Le Coin des Tendances – numérique – euro
LE COIN DES TENDANCES
L’euro peut-il changer de dimension ?
L’euro existe depuis plus de vingt ans. Critiquée voire honnie par certains, la monnaie commune a réussi à traverser l’épreuve de la crise des subprimes, celle de la crise des dettes souveraines et l’épidémie de covid-19. Il est aujourd’hui la clef de voûte de l’économie européenne. Sans l’euro, les États auraient dû faire face à de fortes fluctuations monétaires. Leur ampleur aurait dépassé celle des deux chocs pétroliers compte tenu des écarts de recul de PIB entre les États d’Europe du Nord et ceux du Sud. La tentation protectionniste aurait été, sans la monnaie commune, bien plus importante. La Banque Centrale Européenne a joué son rôle de banquier en dernier ressort en assurant la solvabilité des États grâce à un programme de rachats d’obligations. Une nouvelle étape a été franchie le 15 juin quand 20 milliards d’euros d’obligations ont été émises dans le cadre du programme « Next Generation » pour contribuer à la relance des économies européennes. Ces obligations sont à même de rivaliser avec les obligations du Trésor américain. Si les devises ont pour missions de faciliter les transactions des personnes et des entreprises ainsi que de financer les agents économiques à l’intérieur des frontières, elle tire une grande partie de leur puissance de leur présence à l’international. Aujourd’hui, la domination du dollar en tant que monnaie des échanges internationaux et en tant qu’élément de réserve constitue pour les États-Unis un indéniable atout. Pour les entreprises, avoir des importations et des exportations libellées dans leur monnaie locale en lieu et place du dollar les affranchissent des variations de change. L’émission d’une devise désirée permet d’attirer de l’épargne étrangère qui contribue à l’équilibre de la balance des paiements. Cet apport d’épargne réduit le coût d’emprunt pour les entreprises et les banques.
L’euro est la deuxième monnaie à l’échelle internationale. Du fait de la puissance commerciale de l’Union européenne, elle fait presque jeu égal avec le dollar ; mais les cours des matières premières, du pétrole restent fixés dans la devise américaine. En tant qu’élément de réserve, l’euro en représente 20 % des actifs contre 60 % pour le dollar. L’euro est disponible en dehors des 19 pays qui l’utilisent formellement. Plus de vingt pays y recourent en parallèle leur monnaie. Il s’agit notamment d’anciennes colonies européennes et de proches voisins. Entre un tiers et la moitié de tous les billets en euros en valeur sont détenus en dehors de la zone euro, selon la Banque centrale européenne.
La montée en puissance de l’euro a été stoppée par la crise de 2008 et surtout par la crise des dettes souveraines. La renationalisation des dettes des différents États a contribué à la segmentation du marché de l’euro. Pourtant, en 2007, l’euro était devenu la monnaie la plus populaire pour émettre de la dette libellée en devises étrangères (par exemple par les multinationales). Même si la crise était d’origine américaine, les investisseurs ont préféré se rabattre sur le dollar comme devise de prédilection. La crise grecque a conforté cette tendance.
L’imprévisibilité de la politique américaine, notamment avec la généralisation de la clause d’exterritorialité de la réglementation constitue une opportunité de rebond international pour l’euro. Même avec l’arrivée à la présidence de Joe Biden, les Européens prennent conscience que leurs intérêts divergent de ceux des États-Unis et qu’ils ont tout à gagner de fortifier leur indépendance monétaire. Les entreprises européennes ont été placées dans l’obligation de se soumettre aux règles américaines en matière d’embargo au risque, le cas échéant, de devoir payer de lourdes amendes. Au sein de l’Union européenne, de nombreux responsables estiment que la prérogative d’extraterritorialité constitue une militarisation indue du dollar. Cette situation conduit les Allemands, jusqu’à maintenant opposés au développement d’un euro international, à changer d’avis. Leur opposition était liée au refus de faire de l’euro une valeur refuge pouvant amener des flux de capitaux déstabilisant pour le taux de change.
L’euro sort renforcé de la crise grâce aux décisions rapides de la Banque Centrale et des gouvernements nationaux pour soutenir l’économie. L’attractivité internationale sera accrue par l’émission d’obligations adossées au bilan de tous les États membres de l’Union, ce qui les rapproche des obligations du Trésor américain. Les nouvelles obligations européennes créent un moyen pour les investisseurs d’épargner en euros sans prendre de risque de crédit. Ces obligations serviront d’élément de référence et permettront de réaliser des opérations internationales. Plusieurs obstacles demeurent néanmoins pour faire de l’euro une devise de premier rang. L’émission d’obligations mutualisées est censée s’arrêter en 2026. Le montant global des obligations reste faible, moins de 1 000 milliards d’euros quand pour les États-Unis, elles s’élèvent à 20 000 milliards de dollars. La zone euro est toujours pénalisée par la balkanisation de ses marchés de capitaux qui ont tendance à se renationaliser depuis la crise des subprimes. L’absence d’une grande place financière est aussi une entrave pour le développement de l’euro. Les règles fiscales en matière financière qui diffèrent d’un État à un autre rendent difficiles l’élaboration de produits d’épargne transfrontaliers.
L’euro n’est pas encore en capacité de remplacer le dollar. Les banques européennes auront toujours besoin de dollars tant que l’économie américaine restera la première du monde et que ses entreprises seront incontournables dans bien des secteurs. Certains experts estiment que la véritable menace pour le dollar est non pas l’euro mais les futures monnaies digitales.
2020, année numérique
Les solutions numériques ont joué un rôle d’amortisseur de la crise sanitaire en permettant le maintien des liens professionnels, amicaux et familiaux, et à nombre de ménages d’acheter en ligne leurs courses. Le e-commerce, le click-and-collect, la livraison à domicile, le télétravail, l’école à distance n’ont été possibles qu’avec l’informatisation des ménages. Toutes les générations ont dû s’adapter en un temps record. Les comportements digitaux ont, de ce fait profondément évolué, comme le souligne le Crédoc dans son dernier baromètre sur le numérique de 2021.
Le smartphone, un outil indispensable
En France, plus de huit personnes sur dix en sont désormais dotées (84 %, +7 points en an) pour la seule année 2020. Du fait de la nécessité de rester à la maison de longs mois, les ménages ont retrouvé le chemin du téléphone fixe qui depuis plusieurs années déclinait. 84 % des ménages en disposent d’au moins un (en hausse de 4 points en un an). Le double équipement téléphonique (mobile +fixe) repart d’ailleurs à la hausse, 79 % des Français sont maintenant doublement équipés (+3 points en un an). Quand toute la famille est à la maison, il est jugé utile de disposer de plusieurs options pour se connecter.
Le retour en grâce des tablettes
Après des années de stagnation, les tablettes ont été plébiscitées en 2020 avec un taux d’équipement en progression de 14 points. Désormais, 56 % des Français en possèdent une. Les tablettes constituent des écrans supplémentaires dans les foyers permettant de regarder de la vidéo, d’aller sur les réseaux sociaux et de lire la presse. Elles sont également utilisées pour regarder la télévision. Les ordinateurs familiaux étant destinés à l’école à distance ou au télétravail, les tablettes, moins coûteuses, offraient la possibilité de générer de nouveaux points d’accès au digital.
Petite percée des objets connectés
Les objets connectés, encore peu fréquents, connaissent néanmoins une forte progression. Ces objets peuvent être des montres, des enceintes, des réfrigérateurs, des fours, etc. reliés à Internet. Leur nombre a doublé en 2020. 23 % des ménages disposent d’un objet connecté en lien avec la santé (11 % en 2019). 20 % des personnes interrogées possèdent une enceinte connectée (9 % l’an dernier). 17 % ont de l’électroménager connecté (6 % l’an dernier), 15 % ont un objet connecté en lien avec la sécurité (contre 6 %), 14 % ont un objet dans le domaine de la domotique (5 % l’an dernier). 17 % possèdent une liseuse électronique.
Tous Internautes
Sans surprise, le nombre d’Internautes a augmenté en 2020, après une pause en 2019. 92 % des Français ont consulté Internet (+4 points) et 83 % l’ont fait de manière quotidienne (+5 points). À domicile, toutes les formes de connexion (avec un ordinateur ou un équipement mobile, par la connexion fixe ou mobile) progressent de 3 à 6 points. 85 % des ménages sont équipés d’Internet à domicile et de plus en plus en très haut débit (+10 points en un an, +21 points en trois ans).
Les Français se sont de plus familiarisées avec le digital. 82 % d’entre eux (soit 15 points de plus qu’en 2017) déclarent ne pas avoir de problème avec Internet. En 2007, ce taux était inférieur à 50 %. Au cours des douze derniers mois, 71 % des personnes interrogées ont accompli en ligne une démarche administrative (+5 points par rapport à 2019). La participation aux réseaux sociaux a augmenté de 7 points pour attendre 67 %. 9 % des Français ne disposent d’aucun point d’entrée vers Internet (ni ordinateur, ni tablette, ni smartphone) au domicile ou au travail.
L’ordinateur à la maison redevient une voie d’accès principale à Internet
L’usage déclaré de l’ordinateur à un rythme quotidien a fortement augmenté par rapport à 2019. Deux tiers des Français ont allumé leur ordinateur au moins une fois par jour (+19 points). Le télétravail explique cette croissance. Les achats en ligne y contribuent également. Pour la première fois, l’ordinateur passe même devant le smartphone comme équipement utilisé le plus souventpour se connecter à internet (43 % contre41 % pour le smartphone). La tablette (26 %) et le téléphone fixe (24 %) gagnent 5 points d’usage quotidien, l’utilisation régulière de l’enceinte connectée est multipliée par deux.
Le développement logique du e-commerce
Pour le commerce en ligne, la France était à la traine par rapport à ses partenaires européens. La forte densité de commerces et de centres commerciaux et une méfiance à l’égard du paiement en ligne expliquaient cette spécificité française. En un an, le nombre d’acheteurs en ligne est passé de 62 à 76 % des personnes. 11 % des personnes ayant acheté en ligne l’ont fait au moins deux fois par semaine, contre 6 % en 2018. Près d’un acheteur sur deux se fait livrer au moins une fois tous les mois, contre un sur trois auparavant.
44 % des ménages ont vendu des biens ou des services sur Internet (29 % le faisaient en 2015). Les acheteurs en ligne ont plus de chance d’être également des vendeurs (55 %, +11 points par rapport à l’ensemble de la population).
Le monde des applications et des visioconférences
En 2020, plus de 66 % des Français ont téléchargé au moins une application (gratuite ou payante), contre 48 % en 2016. 45 % des sondés déclarent avoir utilisé au moins une fois des applications de visioconférence pour travailler ou voir des connaissances.
Les messageries avant le téléphone
Les Français utilisent de plus en plus les messageries au détriment du téléphone. 70 % se sont servis des messageries instantanées au cours de l’année 2020 (+8 points). Pour passer des appels, les Français recourent également aux messageries (60 %, +9 points). Les générations de moins de 40 ans utilisent massivement les messageries pour communiquer et délaissent le téléphone à la différence des plus de 60 ans.
Les liseuses en progrès
Si jusqu’à présent, la lecture de livres numériques était assez marginale en France, elle a progressé surtout en lien avec la fermeture des librairies lors du premier et du deuxième confinements. Elle est désormais adoptée par 17 % des sondés (deux fois plus qu’en 2015). Pour près d’un cinquième des Français, elle est amenée à remplacer le livre physique.
Le retour de la télévision en période de confinement
L’usage de la télévision qui était en baisse depuis plusieurs années, en particulier chez les jeunes générations, a retrouvé des couleurs. 30 % de la population a passé plus de 3 heures par jour devant un poste de télévision (24 % en 2018). Les allocutions présidentielles, du premier ministre et du directeur de la santé pour faire le point sur la situation sanitaire et les mesures prises – toutes télévisées – ont été particulièrement suivies, surtout lors du premier confinement. 50 % des Français ont consacré plus de deux heures par jour à Internet en moyenne (42 % en 2018). Deux-tiers des Français contre moins d’un sur deux en 2018 regardent des vidéos en streaming.
95 % des Français ont au moins un téléviseur, 52 % n’en ont qu’un. 75 % des Français ont, dans le foyer, une box permettant de regarder la télévision.
73 % des sondés regardent en direct ou en rediffusion des émissions de télévision sur un poste de télévision à domicile grâce à leur connexion fixe. Pour les vidéos payantes, le poste de télévision reste également le support privilégié : le visionnage de vidéos payantes par abonnement se fait plus souvent sur un téléviseur (42 %) que sur un autre support (26 %).
En revanche, les vidéos gratuites sont regardées avant tout sur un smartphone, sur une tablette ou un ordinateur plutôt que sur un poste de télévision. Une personne sur deux regarde des émissions de télé grâce au réseau mobile (51 %) ou des vidéos sur des plateformes gratuites de streaming (50 %).
Le télétravail adopté
Durant les confinements, un adulte sur trois a télétravaillé, 30 % ont suivi la scolarité des enfants ou les ont aidés à suivre les cours en ligne, et un sur quatre a réalisé une consultation médicale en ligne. Selon l’enquête 2021 du Crédoc, les Français apprécient de pouvoir travailler à domicile et sont favorables à une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. 58 % des Français souhaitent une extension du télétravail après la crise. Du fait des contraintes liées notamment à la gestion des enfants imposées par la crise sanitaire, les plages horaires dévolues au travail peuvent évoluer. Le sentiment que l’usage des nouvelles technologies pour des besoins professionnels en dehors des horaires et milieux de travail habituels empiète trop sur la vie privée recule de 10 points (passant de 33 % en 2017 à 23 % cette année). Le droit à la déconnexion est peu appliqué dans les faits. 34 % des salariés travaillent dans une entreprise qui n’a pas adopté de charte sur ce sujet et parmi ceux qui sont couverts, seuls 7 % précisent que l’effectivité de ce droit est très limitée.
Les Français moins méfiants vis-à-vis d’Internet
En raison d’une utilisation plus importante et peut être du règlement général de protection des données, les Français sont moins anxieux que dans le passé face à Internet. Les craintes liées au manque de protection des données personnelles sur Internet ont diminué de 14 points en 2020 et ne concernent plus que 26 % des Français. L’exploitation des données personnelles demeure un sujet d’inquiétude pour 10 % des Français. 29 % des usagers auraient ainsi éteint leur téléphone mobile pour éviter d’être tracé (+12 points par rapport à 2014) et 66 % auraient renoncé à un achat par manque de confiance au moment du paiement (+7 points). 20 % des personnes interrogées regrettent d’avoir publié ou écrit des choses concernant leur vie privée sur Internet (8 % en 2014, +12 points) et 29 % ont déjà été gênées que certains éléments de leur vie privée figurent sur Internet (19 % en 2014, +10 points). Les Français restent méfiants sur les effets à long terme des ondes sur leur santé mais en sept ans, un recul de 10 points est constaté.
La problématique environnementale, un défi à relever
La problématique environnementale de l’usage du digital progresse. En 2008, 58 % des Français estimaient que les ordinateurs et Internet étaient une chance pour l’environnement, en 2020, ils ne sont plus que 38 % à le penser.
Les Français préfèrent acheter leur smartphone neuf (83 %). 84 % affirment en détenir un de moins de trois ans. Plus d’une personne sur deux a conservé son ancien appareil, le plus souvent au motif que l’appareil peut encore servir (dans 52 % des cas). 41 % des personnes interrogées disposent, dans leur foyer, d’au moins un smartphone non utilisé (23 % en ont même plusieurs). 34 % ont au moins un poste de télévision hors d’usage et 26 % une box.
Par l’effet noria des générations et par son caractère incontournable, Internet est désormais utilisé par la quasi-totalité de la population tant pour réaliser ses démarches administratives, acheter en ligne, travailler que pour se distraire. En une vingtaine d’années, ses usages se sont multipliés. La crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur. De nouveaux secteurs sont entrés dans le champ du digital, tels que l’école ou la médecine. La croissance du numérique devrait rester vive au regard du retard qu’avait la France en la matière. Le e-commerce représentait moins de 10 % du chiffre d’affaires du commerce de détail en France avant la crise. Ce taux a dépassé 13 % en 2020. Il est fort probable qu’il atteindra entre 15 et 18 % dans les prochaines années. La révolution du télétravail pourrait modifier les structures des entreprises tant au niveau des locaux qu’au niveau de l’organisation des tâches.