30 décembre 2022

Le Coin des Tendances – Photons – industrie aéronautique – or vert – Etat de l’année

Quel est le pays de l’année en matière économique en 2022 ?

Le retour de l’inflation, la progression du prix des importations énergétiques, la stagnation ou le recul du pouvoir d’achat, la poursuite de l’augmentation de l’endettement public, les ménages et les entreprises ont dû supporter des vents contraires bien différents de ceux de 2021 qui avait amené une forte croissance. Au cours de l’année 2022. Les valeurs boursières ont perdu près de 20 % à l’échelle mondiale. Les performances économiques ont été rares mais certains pays s’en sont mieux sortis que d’autres. Assez étrangement, ceux qui ont été en tête des classements, ces dernières années, ne sont pas toujours ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats. En prenant en compte les données compilées par « The Economist » (PIB, inflation, performance boursière et dette publique, etc.), les Etats les plus résilients ne se situent non pas en Amérique du Nord, en Asie mais en Europe du Sud. La Grèce qui avait connu une quasi-banqueroute entre 2011 et 2013 se classe dans le peloton de tête avec le Portugal, l’Espagne et Israël. En revanche, l’Allemagne ou les Pays Baltes, qui comptaient parmi les pays les plus performants, ferment la marche.

Au niveau de la croissance, la Norvège, aidée par le prix élevé du pétrole et du gaz, ainsi que la Turquie obtiennent les meilleurs résultats. Les autorités turques bénéficient de l’essor du commerce anti-sanctions avec la Russie. Elles ont par ailleurs maintenu de faibles taux d’intérêt qui ont généré une forte inflation. Les Etats d’Europe du Sud ont bénéficié de leur côté de la reprise plus rapide que prévu du tourisme. L’année 2022 a dépassé celle de 2019 en termes de chiffres d’affaires pour ce secteur. Les Etats-Unis ont réussi à conserver un fort taux de croissance grâce aux effets des plans de relance et de la vitalité de l’emploi.

Pour l’inflation, rares sont les pays à avoir conservé des taux faibles. Parmi ces derniers figurent la Suisse avec un taux avoisinant 3 % et le Japon. A l’autre extrémité, se trouvent les Pays Baltes avec une inflation de plus de 20 % et la Turquie dont l’inflation a dépassé 55 %. La France et l’Espagne se classent parmi les pays à faible inflation. Au Royaume-Uni, l’inflation sous-jacente a fortement augmenté, laissant présager son recul difficile à la différence de l’Italie ou du Japon.

Au niveau des placements financiers, l’année 2022 a été sombre avec des rendements réels négatifs pour les produits de taux et d’importants reculs pour les valeurs « actions ». La bourse de Norvège a néanmoins été dopée par le cours des actions des entreprises énergétiques. Au Royaume-Uni, aidés par la dépréciation de la livre sterling, les indices « actions » ont résisté d’autant plus que les entreprises cotées à Londres ont souvent des liens avec les marchés des matières et de l’énergie. En revanche, les places allemandes et de Corée du Sud ont été fortement touchées. Aux Etats-Unis, l’indice des valeurs technologiques a perdu un tiers de sa valeur en un an.

En 2022, peu d’Etat ont réussi à assainir leurs finances publiques. Ils ont essayé de compenser les effets de l’inflation en recourant aux dépenses publiques. La France a ainsi consacré plus de 50 milliards d’euros, L’Allemagne réputée jusqu’à maintenant pour sa rigueur a décidé de mobiliser 7 points de son PIB pour faire face aux conséquences de l’augmentation des prix de l’énergie. A contrario, les Etats-Unis ont réduit leur déficit public de plus de 5 points de PIB. Les Etats d’Europe du Sud, France non compris, ont réussi à stabiliser leur dette publique. La France a accumulé en 2022 un déficit budgétaire et un déficit commercial importants, plus de 170 milliards d’euros pour le premier et plus de 150 milliards d’euros pour le second.

Selon le classement établi par « The Economist », la Grèce est donc première suivie du Portugal, de l’Irlande, d’Israël, de l’Espagne et du Mexique. La France se classe 9e loin devant l’Allemagne qui est 30e sur 34. Cette dernière a été pénalisée, en 2022 par les difficultés de l’industrie automobile et par le ralentissement de l’économie chinoise. L’économie française a bénéficié de la bonne activité du secteur du tourisme et des mesures de soutien des pouvoirs publics.

L’industrie aéronautique en plein redécollage

L’industrie aéronautique est un indicateur de la situation sanitaire mondial. En 2020, au cœur de l’épidémie de covid, les voyages aériens se sont presque arrêtés. A l’époque, nul n’imaginait un retour à la normale sur le front des voyages internationaux avant 2025. Si l’Asie reste en retrait, les vols dans le reste du monde ont retrouvé leur niveau d’avant crise. En 2022, le nombre de sièges mis à disposition a été de 4,7 milliards, soit 12 % de moins qu’en 2019, avant la crise sanitaire. L’augmentation a été de 33 % en un an. Les compagnies aériennes n’ont pas rattrapé le retard de croissance pris depuis 2020 mais l’augmentation du nombre de passagers devrait se poursuivre en lien avec l’essor de la classe moyenne mondiale, celle-ci désirant toujours voyager. Le public des avions est de plus en plus issu des pays émergents ; en Occident, l’accumulation des crises et les campagnes concernant le réchauffement climatique provoquent un moindre développement du transport aérien. Les compagnies qui avaient mis en sommeil leurs commandes d’avions les relancent afin de pouvoir satisfaire la demande et pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. United Airlines a commandé cent Boeing 787 Dreamliner au mois de décembre 2022, auxquels s’ajoutent plus de cent options. Par ailleurs, la compagnie a a annoncé également l’achat de 100 exemplaires des 737 MAX. La valeur totale du contrat est estimée entre 25 et 33 milliards de dollars au prix catalogue. Air India, une compagnie aérienne indienne, appartenant au groupe Tata serait sur le point de commander 500 avions à Airbus et à Boeing. De nombreuses compagnies comme Air France ou Lufthansa ont prévu de moderniser leur flotte dans les prochains mois. D’ici quelques années, les deux premiers constructeurs mondiaux devraient revenir aux niveaux de production d’avant covid.

Le marché aérien progresse par le nombre de passagers mais aussi par l’arrivée de nouvelles compagnies qui entendent se doter des meilleurs avions. Dans le cadre de ses tentatives de diversification de son économie loin du pétrole, l’Arabie saoudite est sur le point de lancer une nouvelle compagnie aérienne nationale, « RIA » pour concurrencer les transporteurs historiques du Golfe : Emirates, Etihad et Qatar Airways. Le Royaume d’Arabie Saoudite espère lever 100 milliards de dollars, y compris auprès de son fonds souverain, pour l’aviation. Il prévoit de construire l’un des plus grands aéroports du monde, à Djeddah, pour desservir 120 millions de passagers nationaux et en correspondance d’ici 2030.

L’Asie est pour le moment à la traîne pour la reprise du transport aérien. Le récent assouplissement des restrictions covid en Chine, le marché aéronautique dominant de la région, a provoqué en quelques jours une augmentation de 30 % de la demande de billets pour des vols intérieurs. En ce qui concerne les vols internationaux, le retour à la normale sera plus lent. En 2022, à destination et en provenance de la Chine, le nombre de vols atteint de 5 % de celui de 2019. Le retour sur le marché international des compagnies aériennes est attendu entre la mi-2023 et surtout en 2024/

Le retour aux bénéfices des compagnies aériennes pourrait intervenir pour celles d’origine américaine ou européenne dès 2023. L’Association du transport aérien international (IATA) estime que le bénéfice de l’ensemble des transporteurs aériens pourrait atteindre près de 5 milliards de dollars. Les compagnies ont bénéficié de plans d’aide importants. Elles se sont délestées des avions les moins rentables et ont réduit le nombre de leurs salariés. Leur niveau d’endettement a néanmoins progressé en trois ans de 220 milliards de dollars. L’augmentation du kérozène et les pressions pour la mise en place d’une taxe carbone sur les vols aériens pèsent sur l’avenir du secteur. Des restructurations sont à attendre. Ita airways (ex-Alitalia) pourrait rejoindre Lufthansa en cas de persistance du désaccord avec Air France qui, associée à un fonds d’investissement américain, l’avait racheté en 2021. Le groupe IAG, la société mère de British Airways et d’Iberia pourrait intégrer TAP Air Portugal que lorgne également Air France.

Les Pays du Golfe à la conquête de l’or vert

A l’occasion d’un symposium aux Emirats Arabes Unis, pays qui a construit sa fortune sur le pétrole et le gaz, symposium réunissant plus de 140 000 délégués en provenance de tous les Etats producteurs d’hydrocarbures, le ministre de l’Industrie de la puissance invitante a focalisé son discours d’ouverture sur la nécessité de verdir l’or noir. En lieu et place de se réjouir de la hausse des cours et de la reprise de la demande, il a répété à plusieurs reprises l’obligation d’investir dans des énergies décarbonées. Les Pays du Golfe ont longtemps eu comme seule politique la défense de leurs intérêts pétroliers. Depuis quelques années, ils ont pris la conscience de changer de discours et de surtout de préparer demain et après-demain. L’Arabie saoudite et le Koweït ont annoncé des objectifs d’émissions nettes nulles de gaz à effet de serre d’ici 2060. Les Émirats arabes unis et Oman ont indiqué qu’ils atteindront cet objectif dès 2050. Le Qatar n’a pas d’objectif net zéro, mais affirme qu’il réduira ses émissions d’un quart d’ici 2030. Tous les pays du Golfe ont signé le Global Methane Pledge qui les engage à réduire les émissions de ce puissant gaz à effet de serre. En 2023, symbole du changement en marché, les Émirats arabes unis accueilleront même le sommet annuel de l’ONU sur le climat.

Pour certains, cet engouement serait un « greenwashig », sachant que les Pays du Golfe ne vivent que des énergies carbonées. Dans un monde à la recherche de capitaux afin de réaliser au mieux et au plus vite la transition énergétique, les compagnies pétrolières du Golfe sont sollicitées. Elles ont ainsi mis en place une politique reposant sur deux piliers. Le premier vise à gérer au mieux leurs réserves en maintenant un prix élevé et en investissant afin de pérenniser les capacités de production. Les dépenses en capital d’Aramco ont atteint, en 2022, plus de 40 milliards de dollars. L’objectif d’ici 2027 est de faire évoluer ses capacités de production de 12 millions de barils par jour (b/j) à 13 millions. Qatar Energy investira 80 milliards de dollars entre 2021 et 2025 pour augmenter la production de gaz naturel liquéfié (GNL) de plus de 66 % d’ici 2027. Investir autant dans un monde en proie à la décarbonation pourrait être jugé irrationnel. Or, les Pays du Golfe sont conscients que la demande de pétrole restera soutenue dans les prochaines années du fait de la montée en puissance des classes moyenne dans un grand nombre de pays émergents. Par ailleurs, les capacités de production en Russie ou aux Etats-Unis devraient faiblir faisant des pays membres de l’OPEP les maîtres incontestés du marché. Les faibles coûts de production du pétrole du Golfe persique leur donnent un atout indéniable pour atteindre ce contrôle du marché. Avec la généralisation à venir de la taxe carbone, les Pays du Golfe disposent d’un atout maître. Leurs réserves d’hydrocarbures sont parmi les moins intensives en carbone à extraire. Les Emiratis et les Saoudiens ont réalisé ces dernières années des progrès pour limiter l’empreinte carbone de leurs gisements.

Le deuxième pilier de la stratégie des Pays du Golfe est d’affecter une partie des bénéfices issus des hydrocarbures dans des entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables ou dans la capture et le stockage du carbone. L’Arabie Saoudite dispose de terres facilement exploitables pour l’implantation de panneaux solaires ou pour le stockage du carbone. Aramco a un projet pour capturer et stocker 11 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an et pour installer 12 gigawatts (GW) d’énergie éolienne et solaire d’ici 2035. L’Arabie saoudite, dans sa globalité, entend construire, d’ici 2032, 54 GW de capacité renouvelable. Les Emirats envisagent d’investir afin de disposer d’ici 2030, de 100 GW de capacité d’énergie renouvelable dans le pays. Les Etats de l’OPEP s’engagent fortement dans la production d’hydrogène. ACWA Power, une entreprise publique saoudienne a décidé de financer un projet d’hydrogène vert de 5 milliards de dollars. Oman a investi de 30 milliards de dollars dans la construction d’une des plus grandes usines d’hydrogène au monde. Les Saoudiens et les Emiratis prennent des participations à l’étranger dans des projets « verts ». L’entreprise Masdar a investi dans une entreprise d’hydrogène à hauteur de 10 milliards de dollars en Égypte afin de développer une unité de production de 4 GW. Elle a également investi dans une entreprise travaillant sur l’hydrogène vert dans le nord de l’Angleterre. ACWA Power envisage des projets d’hydrogène vert de plusieurs milliards de dollars en Égypte, en Afrique du Sud et en Thaïlande. D’ici 2030, les Emirats et l’Arabie saoudite entendent contrôler au moins un quart des exportations mondiales d’hydrogène propre. Toujours sur le terrain des énergies plus propres, le Qatar dépense des sommes importantes pour développer des unités d’ammoniac qui a l’avantage d’être facilement transportable. Ce pays a affecté plus d’un milliard de dollars à la construction d’une usine « d’ammoniac bleu » à partir de gaz naturel. Son ouverture est prévue en 2026. Si l’hydrogène arrive à s’imposer, selon le cabinet de conseil Roland Berger, il pourrait générer entre 120 et 200 milliards de dollars de revenus annuels, d’ici 2050, pour les pays du Golfe. A côté du pétrole, ces sommes sont faibles mais témoignent de la volonté des Pays du Golfe de préparer l’avenir. Aramco à elle seule a réalisé des ventes d’hydrocarbures portant sur plus de 300 milliards de dollars pour le seul premier semestre 2022.

L’informatique à l’heure du photon

La technologie de l’information moderne repose sur une savante division du travail ; les photons transportent des données dans le monde entier quand les électrons les traitent. Avant l’essor de la fibre optique, les électrons faisaient les deux mais l’usage des photons a permis d’accélérer le flux d’information. Certains espèrent pouvoir compléter la transition en faisant en sorte que les photons puissent également traiter les données tout en les transportant. Par leur caractère électriquement neutre, les photons peuvent se croiser sans interagir à la différence des électrons. Les fibres de verre peuvent gérer en simultanée un grand nombre de signaux, ce que les fils de cuivre ne peuvent pas. Le passage à la fibre optique s’est imposé avec l’essor des connexions Internet et avec l’usage d’application à forte consommation de données comme le streaming vidéo. Le passage aux ordinateurs optiques permettrait de gagner du temps et de réduire la consommation d’énergie ; les photons se déplaçant dans un espace transparent ne subissent pas d’effets de frottement.

L’informatique optique est un enjeu majeur pour l’essor de l’intelligence artificielle. Les systèmes auto-apprenant exigent rapidité et énergie. L’optique permet d’obtenir la première et d’économiser la seconde. De nombreuses expérimentations sont en cours. Les centres de recherche travaillent sur des puces hybrides associant le silicium et la modulation de la lumière. L’enjeu est de mettre un terme à la baisse des gains de performance de l’électronique. Ryan Hamerly et son équipe du Massachusetts Institute of Technology de Boston cherchent à exploiter la faible consommation d’énergie des dispositifs optiques hybrides pour les haut-parleurs intelligents, les drones légers et les voitures autonomes. A l’heure actuelle, un haut-parleur intelligent envoie une version numérisée de ce qu’il a entendu sur Internet à un serveur distant qui en fait le traitement. Le serveur renvoie alors la réponse. Ce processus prend du temps et n’est pas sûr. Une puce optique placée dans un tel haut-parleur pourrait effectuer l’analyse en temps réel avec une faible consommation d’énergie et sans risque d’altération des données. Le message optique ne subit pas d’altération à la différence de celui passant par un fil de cuivre ou en bluetooth. Les amplificateurs haut de gamme recourent, depuis des années, aux liaisons optiques afin d’obtenir le meilleur rendu sonore. D’autres chercheurs, dont Ugur Tegin, du California Institute of Technology, estiment que l’avantage de l’informatique optique repose sur sa capacité à gérer de grandes masses de données. Actuellement, par exemple, les systèmes de reconnaissance des images fonctionnent sur la base d’images à faible résolution, car les versions haute résolution sont trop volumineuses. Avec les composants électroniques classiques, la bande passante est limitée et ne permet pas de gérer en simultanée un grand nombre d’images en haute résolution. La réponse de Ugur Tegin est de renoncer complètement à l’électronique et d’utiliser des ordinateurs entièrement optiques. Seul le résultat final des opérations donne lieu à un traitement électronique. A l’Université de Californie à Los Angeles, Aydogan Ozcan, adopte une technologie excluant tout usage d’électrons en ayant recours à de fines feuilles de verre spécialement fabriquées, de la taille d’un timbre-poste, posées les unes sur les autres. Dans ce cas, l’optique fonctionne passivement, comme l’objectif d’un appareil photo. Le système ne capture jamais d’images ni n’envoie les données brutes, uniquement le résultat déduit.

L’essor de l’intelligence artificielle nécessite des capacités de traitement importantes et instantanées. Le robot conversationnel « Chatgpt », pouvant produire du texte sur un grand nombre de sujets à partir de questions qui lui sont posées, a besoin pour s’améliorer de gérer un volume de données croissant et de restituer le plus vite possible le résultat des requêtes. L’informatique optique constitue une des voies pour améliorer ce type d’application, tout comme pour le développement des flottes d’automobiles autonomes.