11 mars 2023

Le Coin des Tendances – Russie – Etats-Unis

La Russie en voie de dépeuplement rapide

La Russie est le plus grand pays du monde avec une superficie de 17 millions de kilomètres carrés (30 fois celle de la France). Ce territoire aux dix fuseaux horaires est un grand désert en ce qui concerne la population. En effet, le pays compte 143 millions d’habitants hors Crimée (source Banque mondiale) soit deux fois celle de la France. La population est concentrée dans la partie européenne, 75 % des habitants vivant à l’ouest de l’Oural. Cette mauvaise répartition est accentuée par un vieillissement et une émigration qui prennent des proportions importantes.

Au cours des trois dernières années, la Russie aurait perdu environ 2 millions de personnes de plus qu’attendu, à cause du Covid, de l’émigration et de la guerre. L’espérance de vie des hommes russes à la naissance est de 66 ans contre 79 ans en France. L’écart d’espérance de vie entre les hommes et les femmes est de dix ans en Russie contre 5 ans en France qui est pourtant, en la matière, une des mauvaises élèves de l’Union européenne. La guerre en Ukraine accentue les déséquilibres démographiques de la Russie. Les pertes selon les estimations occidentales sont évaluées entre 150 000 et 200 000. Entre 500 000 et un million de Russes, essentiellement des étudiants et des jeunes actifs auraient quitté le pays par crainte d’être contraints de partir au front.

La Russie a connu son pic de population en 1994, avec 149 millions d’habitants. Selon les projections de l’ONU, le pays pourrait ne compter que 120 millions de personnes d’ici 2070. Cela ferait de la Russie le 15e pays le plus peuplé du monde, contre le sixième en 1995. Ce déclin démographique est lié à une surmortalité provoquée par une consommation excessive d’alcool chez les hommes, un nombre élevé d’accidents de la vie (voitures, violence, etc.) et par une faible natalité. Selon le démographe russe Alexei Raksha, le nombre de naissances enregistrées en avril 2022 a été le plus bas depuis le XVIIIe siècle.

Le déclin de la population n’est pas propre à la Russie. Tous les pays d’Europe de l’Est sont confrontés à une diminution de leur population. L’évolution démographique de la Russie est, en revanche, plus brutale. Après la chute de l’URSS, une baisse importante a été constatée suivie d’un rebond en lien avec une politique familiale plus généreuse et une augmentation de l’immigration. Après 2016, le pays a freiné l’arrivée des travailleurs étrangers et la natalité s’est effondrée. Selon l’agence nationale des statistiques, le nombre de décès a dépassé les naissances de 1,7 million en 2021. La diminution de la population concerne essentiellement les Russes de souche dont le nombre, selon le recensement de 2021, aurait diminué de 5,4 millions entre 2010 et 2021. Leur part dans la population totale serait passée de 78 à 72 %.

La Russie a été un des pays les plus touchés par l’épidémie de Covid. Officiellement, le nombre de décès aurait atteint près de 390 000. Selon l’hebdomadaire « The Economist », le nombre réel se situerait entre 1,2 et 1,6 million. La Russie a peut-être eu le plus grand nombre de morts de covid au monde rapporté au nombre d’habitants. Le taux de mortalité aurait atteint entre 850 à 1 100 pour 100 000 habitants. Depuis deux ans, le nombre de retraités diminue en Russie. Au 1er janvier 2023, 41,78 millions de retraités étaient inscrits au fonds Social de Russie (SFR), soit 232 000 personnes, de moins qu’un an plus tôt. Déjà en 2021, le nombre de retraités inscrits au fonds Social de Russie avait diminué de 372 300 personnes.

En prenant tous les facteurs, la baisse de la population russe entre 2020 et 2023 pourrait avoir été de 1,9 à 2,8 millions en plus de sa baisse tendancielle. Cette contraction serait la plus forte enregistrée depuis la Seconde Guerre mondiale. Au début des années 2000, la population russe ne s’était contractée que de 500 000 par an.

La Russie a été confrontée durant son histoire à des variations importantes de population. Une dizaine de millions de personnes auraient été tuées durant la période révolutionnaire entre 1917 et 1923. Durant la Seconde Guerre mondiale, les pertes militaires et civiles se seraient élevées à 27 millions.

Le déclin démographique peut-il freiner l’augmentation des effectifs militaires ? Vladimir Poutine a prévu de les accroître de plus de 350 000 en trois ans en plus de la mobilisation de 300 000 soldats dans le cadre de la guerre en Ukraine. En prenant en compte les populations non russes, l’objectif pourrait être atteint. Le principal problème auquel est confronté le gouvernement russe est la tentation de l’exode des jeunes et en particulier des jeunes diplômés. Le pays peut s’enorgueillir d’avoir un système de formation qui demeure performant permettant une forte employabilité des diplômés de l’enseignement supérieur. L’émigration concernerait les scientifiques et les administratifs. 10 % des cadres supérieurs du ministère de la Communication seraient partis à l’étranger. Les autorités russes doivent donc se battre pour conserver leurs jeunes actifs, améliorer l’espérance de vie et favoriser la reprise de la natalité.

L’immobilier aux États-Unis, entre deux eaux

Aux États-Unis, le marché de l’immobilier est un indicateur assez fin de la situation économique du pays. Par son poids, plus de 45 000 milliards de dollars, par le nombre de transactions, plus de 6 millions en 2021, ce marché réagit assez rapidement aux variations de taux d’intérêt et de revenus des ménages. Les Américains sont plus mobiles que les Européens, achètent et vendent plus rapidement leur logement en période de croissance. La crise des subprimes a marqué les Américains. La pratique des taux variables et la hausse des taux d’intérêt ont engendré un séisme financier sans précédent.

De 3 % fin 2021, le taux des prêts hypothécaires fixes à 30 ans aux États-Unis est passé à plus de 7 % en octobre 2022. De tels taux n’avaient pas été enregistrés depuis plus de 20 ans. En janvier, les ventes de logements anciens ont effet connu leur douzième mois d’affilée de baisse, selon les chiffres de la Fédération nationale des agents immobiliers (NAR). Le relèvement des taux a également provoqué une diminution des ventes de logements neufs au milieu de l’année 2022 mais un rebond assez étonnant est constaté depuis la fin de l’année dernière. En janvier 2023, 670 000 maisons neuves individuelles ont été vendues, le consensus tablait sur 620 000 ventes. Sur un mois, la progression a atteint 7,2 % mais le nombre de ventes de maisons neuves est néanmoins en baisse de 20 % sur un an. Par ailleurs, les prix restent orientés à la baisse. Le prix médian d’une maison neuve était, en janvier, de 427 500 dollars en baisse de -8,2 %.

En janvier, la diminution des prix a attiré de nouveaux acheteurs qui acceptent de plus en plus de subir des taux d’intérêt plus élevés. La bonne tenue du marché du travail, avec des salaires en hausses, les rassure. Les promoteurs et les banques ont, en outre, multiplié des offres promotionnelles avec des prêts à taux réduits en recourant à une ingénierie financière poussée. Le rebond du marché immobilier inquiète la banque centrale qui tente de réduire l’offre de crédits pour ralentir l’économie. Une décrue progressive des prix est souhaitée pour éviter la création d’une nouvelle bulle immobilière. En un an, la baisse des logements a été de 4 %, ce qui entame à peine la hausse de 45 % des six dernières années. La baisse est limitée par l’étroitesse de l’offre disponible. Les acheteurs qui ont bénéficié de taux bas ne souhaitent pas revendre sachant qu’ils devront emprunter à un taux plus élevé. 1,1 million de logements seraient proposés à la vente en ce début 2023 contre plus de 2 millions en moyenne lors de ces quarante dernières années. Les promoteurs sont plus prudents que dans le passé par crainte d’avoir un stock d’invendus important. Les autorisations de construction sont en baisse. Comme dans tous les pays occidentaux, les contraintes administratives limitent les possibilités de lancer des nouveaux programmes de construction.

L’évolution du marché de l’immobilier pourrait inciter la FED à poursuivre son plan de relèvement des taux et à demander aux banques de réduire leur offre de prêts. La lutte contre l’inflation passe, aux États-Unis, par ce marché. Son refroidissement devra être effectué dans les prochaines semaines car le printemps est la saison clef pour les transactions immobilières aux États-Unis.

“American way of life”, quand le modèle se fissure

L’avènement de la classe moyenne comme moteur de l’économie a longtemps été un symbole de la toute puissance américaine. La possibilité pour les ouvriers de Ford d’acheter leur propre voiture et le développement de la consommation de masse ont constitué les marques de fabrique des États-Unis après la Première Guerre mondiale. La réussite de ce modèle exporté à travers l’ensemble de la planète est aujourd’hui remise en cause avec la montée des inégalités. Que ce soit en matière de revenus, de patrimoine, d’espérance de vie, d’éducation, les écarts entre les Américains n’en finissent pas de s’accroître. À cette segmentation économique et sociale s’ajoutent des divisions politiques et religieuses. Si dans le passé, les questions raciales minaient la société américaine, dorénavant il faut ajouter celles liées à la religion, au sexe et à la politique. La tentative de prise de pouvoir par la force des partisans de Donald Trump traduit une évolution inquiétante de la société américaine qui jusqu’à alors avait réussi à échapper à la tentation des extrêmes, exception faite du maccarthisme après la Seconde Guerre mondiale.

Les inégalités de revenus après redistribution ont augmenté de 1995 à 2020. L’indice de Gini qui les mesure est passé de 0,36 à 0,40 quand, en France, il est resté stable autour de 0,29. Certes, depuis la crise sanitaire, aux États-Unis, l’indice de Gini recule avec la mise en œuvre de plusieurs plans de soutien à la population (revenu à 0,38 en 2022) mais le taux de pauvreté aux États-Unis demeure élevé, autour de 23 %. En France, ce taux se situe autour de 14 %. Les 10 % d’Américains les mieux dotés possédaient, en 2022, 63 % du patrimoine national, contre 55 % en 1995. Cette augmentation est imputable à la hausse des prix de l’immobilier et du cours des actions. L’espérance de vie à la naissance entre les 10 % des hommes aux revenus les plus modestes et les 10 % ayant les revenus les plus élevés enregistre un écart de 15 ans. Pour les femmes, cet écart est de 10 ans.

L’espérance de vie a baissé de 2019 à 2022 de trois ans aux États-Unis. Cette baisse étant concentrée parmi les populations les plus modestes. Celles-ci ont été durement touchées par l’épidémie de covid et doivent faire face à un taux de prévalence à l’obésité élevée. Le nombre de morts violentes en lien avec la drogue et la criminalité frappe durement certaines communautés (noires, hispaniques en particulier).

Censée réduire les inégalités, l’éducation les accroît. L’accès aux formations les plus qualifiantes est de plus en plus sélective et exige des moyens financiers importants.

Cercle de l’Épargne – données International Journal of Maternal and Child Health (MCH) and AIDS (IJMA) 2021

Depuis une dizaine d’années, la proportion d’Américains diplômés de l’enseignement supérieur tend à stagner. Les jeunes à faibles revenus peinent à accéder aux formations les plus qualifiantes.

Cercle de l’Épargne – données : US Census Bureau,

Le système public de protection sociale est de faible taille aux États-Unis. 19 % du PIB contre 22 % pour la zone euro. Le prix élevé des dépenses de santé scinde le pays en deux, entre les Américains qui sont couverts par des complémentaires payées par leurs entreprises et les autres.

La vie politique américaine est de plus en plus segmentée. Les sympathies politiques sont de plus en plus conditionnées à l’appartenance à telle ou telle communauté.

Cercle de l’Épargne – données Pew Research Center (2014)

Si le protestant évangéliste est républicain, le protestant afro-américain est démocrate. La présidence de Donald Trump entre 2016 et 2020 a amplifié la segmentation du corps électoral. Les électeurs du parti républicain sont nombreux chez les employés et chez les citoyens les plus aisés. Les électeurs les plus modestes et ceux occupant des fonctions intellectuelles votent démocrate. Les clivages dans les années 1970 et 1980 étaient moins nets. Les questions de société autour du wokisme, du racialisme donnent lieu à des tensions croissantes sur fond d’une moindre mobilité sociale. La possibilité pour les Américains pauvres de réussir et de devenir milliardaire faisaient partie intégrante de l’American way of life. Or l’ascenseur social tend à se ralentir. Seuls 8 % des enfants dont le père avait des revenus parmi les 20 % les plus faibles ont réussi à atteindre le 5e quintile de revenus. En revanche, 40 % des enfants dont le père se situait dans le 5e décile ont conservé ce niveau de revenus.