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L’intelligence artificielle au service de la santé
En 2015, Priscilla Chan, pédiatre, et son mari Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, ont créé la Chan Zuckerberg Initiative (CZI) afin que la science permette de prévenir et guérir toutes les maladies. À partir de 2020, la CZI a décidé de privilégier les recherches sur l’intelligence artificielle en matière de santé. Cette orientation est assez logique. Le secteur de la santé produit un grand nombre de données dont l’exploitation était jusqu’à maintenant complexe et fastidieuse. Les modèles d’auto-apprentissage sont adaptés à la recherche médicale qui repose sur une multitude de tests et d’expériences. L’intelligence artificielle offre la possibilité de réaliser des associations et des connexions dans des ensembles de données disparates trop vastes et trop complexes pour que les humains puissent en apprécier la portée.
Les modèles d’intelligence artificielle peuvent suggérer de nouvelles cibles pour le développement de médicaments et aider à inventer des molécules, grandes et petites, pouvant agir comme médicaments. Le CZI travaille actuellement à la construction d’une « cellule virtuelle » alimentée par l’intelligence artificielle.
Les effets ne se limitent pas au laboratoire. De nombreux diagnostics pourraient être réalisés avec l’appui de l’intelligence artificielle. Les robots chirurgiens peuvent effectuer un nombre croissant d’opérations. L’intelligence artificielle est également à même d’épauler les patients à suivre au mieux leurs traitements en analysant les données qu’ils peuvent fournir en temps réel. Les téléphones portables ou les montres connectées peuvent mesurer simultanément la fréquence cardiaque, la température, la respiration et la saturation en oxygène du sang. Ils peuvent fournir des conseils fiables aux acteurs de la santé. L’intelligence artificielle peut contribuer à réduire le nombre d’erreurs médicales. Aux États-Unis, les autorités estiment que 800 000 décès par an seraient dus à de telles erreurs. L’intelligence artificielle constitue une chance pour améliorer la productivité des systèmes de santé au moment où ils sont confrontés à des problèmes de recrutement et à une augmentation du nombre de patients en raison du vieillissement démographique. La pénurie de professionnels de santé devrait atteindre près de 10 millions d’ici 2030, soit environ 15 % de l’ensemble du personnel de santé mondial actuel. La révolution de l’intelligence artificielle pourrait faciliter la diffusion du progrès médical au sein des pays les plus pauvres en leur permettant d’accéder à distance à des outils d’analyse performants. Un engouement important se manifeste pour les entreprises intervenant sur le secteur de la santé et de l’intelligence artificielle. Au niveau mondial, plus de 1 500 sociétés sont sur ce secteur. Près de la moitié de ces sociétés ont été fondées au cours des sept dernières années.
En matière de santé comme dans les autres domaines, l’intelligence artificielle n’est pas sans limite. Les modèles de base qui alimentent les applications « génératives » comme Chatgpt présentent de sérieux inconvénients. Si les données sont mauvaises, les analyses le seront également. Or, en santé, les données peuvent donner lieu à de multiples interprétations et peuvent déboucher sur des solutions irrationnelles. Malgré tout, selon le cabinet américain, Research and Markets, le secteur de la santé a dépensé, en 2023, pour plus de 13 milliard de dollars en matériel lié à l’intelligence artificielle et en logiciels fournissant des diagnostics, des analyses d’images ou une surveillance à distance des patients. Ce chiffre devrait atteindre 47 milliards de dollars d’ici 2028. Selon les analystes de CB Insights, les entreprises de santé spécialisées en intelligence artificielle auraient reçu pour 31,5 milliards de dollars en fonds propres entre 2019 et 2022.
L’intelligence artificielle ouvre une porte d’espoir pour le secteur de la santé qui est confronté à de nombreux problèmes : rendement décroissant des recherches, pénurie de main-d’œuvre, raréfaction des ressources publiques. Elle ne saurait à elle seule résoudre tous ces problèmes mais elle permet indéniablement de gagner du temps et de la productivité.
Quand le vin ne fait plus recette
Jusqu’au 8 août 1956, les moins de 14 ans en France pouvaient boire du vin à la cantine en raison de sa valeur nutritionnelle reconnue. Les plus de 14 ans pouvaient consommer des alcools légers à moins de 3°C (bière, poiré, cidre ou vin coupé). Pierre Mendes France soulignait alors « aucune population ne consomme plus d’alcool que la population française. Nos hôpitaux psychiatriques ne peuvent abriter toutes les victimes de l’alcool, dont le nombre croît chaque année. Il s’agit de rendre des hommes libres, conscients des dangers qui les menacent, et de les aider à éviter ces dangers ». La consommation d’alcool dans les établissements scolaires fut totalement interdite en 1981. Le vin a été longtemps considéré comme un symbole, une fierté nationale. En 1960, les Français buvaient en moyenne 116 litres de vin par personne par an. Entre 2000 et 2018, ce volume est passé de 28 litres à seulement 17 selon The Economist. En 2022, environ 10 % des Français buvaient du vin chaque jour, contre la moitié en 1980.
En 2023, la France a repris à l’Italie, la première place mondiale pour la production de vin. Or, pour les viticulteurs, la vente de leur production s’avère de plus en plus difficile, en raison de la baisse de la consommation. Ces trente dernières années, un effort important a été mené pour une montée en gamme de la production mais celle-ci atteint ses limites obligeant à des plans d’arrachages de pieds de vigne.
La baisse de la consommation répond à des impératifs de santé publique et de lutte contre l’alcoolisme, responsable notamment d’accidents de la routes, de violence conjugale et de maladies graves. Par ailleurs, les goûts changent. Les Français déclarent désormais dans les sondages qu’ils préfèrent la bière au vin. La bière, y compris les bières artisanales, représente plus de la moitié de tous les alcools achetés dans les supermarchés français. Même dans le sud de la France, certains cafés servent de la bière pression belge ou allemande importée ce qui était impensables il y a trente. Une bouteille de Bordeaux peut encore être trouvée dans un supermarché français pour moins de 5 euros. Certaines coopératives villageoises vendent des produits locaux directement de la cuve à 1,90 euros le litre, soit moins que du jus d’orange frais. Les jeunes générations éprouvent des difficultés à choisir entre les différents vins dont les saveurs varient en fonction des crus, des années, des producteurs… Les aléas sur une bouteille de vin sont bien plus importants que sur celle de bière.
Même si la consommation d’alcool reste un rituel social important en France, un quart des Français de 18 à 34 ans déclarent ne jamais boire d’alcool. 39 % des moins de 35 ans déclarent ne pas boire de vin, contre seulement 27 % des plus de 50 ans. Le mois de « janvier sec » rencontre d’année en année un écho de plus en plus important. Les boissons sans alcool ou à faible teneur en alcool se multiplient. Les bars proposent de plus en plus des cocktails sans alcool. En entreprise, les directions des ressources humaines limitent au maximum voire interdisent la consommation d’alcool même durant les moments dits festifs. Le midi, le vin est de plus en plus banni des repas d’affaires ou se limite à la consommation d’un verre.
Face à ces changements de comportement, le gouvernement a alloué aux viticulteurs 200 millions d’euros en 2023 pour acheter du vin bas de gamme en compensation aux producteurs qui ne parvenaient pas à le vendre. Une crise viticole semble inévitable avec à la clef la nécessité de reconvertir des exploitations certainement dans la production de fruits et d’agrumes.
Les cabinets de conseil : du firmament à la remise en cause
Durant l’épidémie de covid, les gouvernements du monde entier ont fait appel aux grands cabinets de conseil pour établir leurs stratégies d’actions que ce soit en matière d’hospitalisation, de vaccination ou de communication. En France, une polémique est née concernant le montant des contrats liant l’État à plusieurs cabinets de conseil dont McKinsey et Accenture. Les grandes entreprises ont également, ces dernières années, multiplié les contrats avec les cabinets de conseil ou de comptabilité afin d’opérer leur digitalisation ou pour renforcer leurs références environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Les revenus des sociétés de conseil et de comptabilité (Bain, BCG et McKinsey, Deloitte, EY, KPMG, PWC et Accenture) ont augmenté de 20 % en 2021 puis de 13 % en 2022. En 2023, en revanche, leur chiffre d’affaires n’a progressé que de 5 %. Les clients aux prises avec l’inflation et l’incertitude économique ont réduit leurs projets de conseils. La diminution des projets de fusions et d’acquisitions contribue également à une baisse des demandes d’assistance en matière de « due diligence » et d’intégration d’entreprises. La contraction du chiffres d’affaires (passé de 2 chiffres à un) de ces structures n’est pas sans incidence en particulier parce qu’elles ont fortement recruté ces dernières années. Le chiffre d’affaires de McKinsey a augmenté d’un tiers de 2019 à 2023, mais ses effectifs ont augmenté de moitié, pour atteindre 45 000 personnes. Auparavant, les consultants restaient peu longtemps au sein des cabinets ; aujourd’hui, le taux de rotation ralentit car les perspectives d’emploi chez les clients s’amoindrissent. Compte tenu du ralentissement de la croissance de l’activité, certains cabinets ont revu à la baisse leurs projets de recrutements ou ont différé les embauches. Les quatre premiers cabinets de conseil ont réduit leurs équipes de consultants en procédant à des licenciements, mot inimaginable il y a quelques années encore dans ce secteur. En 2023, Accenture, la seule des grands cabinets à être cotée en bourse, a annoncé qu’elle licencierait 19 000 personnes. Le 21 mars dernier, la société a annoncé que ses revenus issus du conseil pour le trimestre clos en février avaient diminué de 3 % sur un an, après être restés stables au trimestre précédent. Ses prévisions de croissance ont été révisées à la baisse pour l’année à venir, entraînant un recul du cours de son action de 9 %.
Ces trente dernières années, les cabinets de conseil ont bénéficié d’un environnement porteur avec la mondialisation et la montée en puissance du numérique. Les grands cabinets se sont tous internationalisés, Deloitte, est ainsi présent dans plus de 150 pays. Cette mondialisation est a priori arrivée à son terme. Les tensions internationales pourraient même la remettre en cause. Les cabinets sont de plus en plus critiqués pour leur entrisme ou pour leur complicité. De nationalité américaine ou européenne, ils suscitent de plus en plus la suspicion des pouvoirs publics et des populations dans les pays du Sud. Les autorités américaines critiquent de leur côté les cabinets qui travaillent par exemple avec la Chine. Ainsi, le groupe de réflexion co-fondé par McKinsey, a été accusé d’avoir fourni en 2015 des conseils au gouvernement chinois pour l’élaboration du plan « Made in China 2025 », plan visant à réduire la dépendance de l’économie à l’égard de l’étranger et notamment des États-Unis. Ce plan a également pour objectif d’assurer la supériorité de la Chine dans certains domaine comme les véhicules électriques ou l’intelligence artificielle (IA). Bien que McKinsey ait nié avoir rédigé le rapport, certains législateurs américains ont demandé que l’entreprise soit exclue des contrats avec le gouvernement américain. De son côté, la Chine exclut de plus en plus de son marché les conseillers occidentaux. Des pressions sur les grands cabinets anglo-saxons sont exercées afin qu’ils limitent leur présence en Chine. Le personnel du bureau de « Bain » à Shanghai a été interrogé par les autorités chinoises l’année dernière, pour des raisons inconnues. Au mois de mars, le gouvernement chinois a décidé de contrôler les modalités du travail d’audit, de PWC, œuvrant chez Evergrande, un des promoteurs immobiliers chinois en faillite. En fonction des conclusions, les activités de PWC en Chine pourraient être remises en cause. Les autorités américaines ou européennes enquêtent de leur côté sur les agissements des cabinets de conseil qui interviennent en tant que lobbyste de certains États, notamment ceux du Golfe. Les responsables de McKinsey ont été traduits devant une commission du Congrès à Washington après avoir omis de fournir les détails de leur travail pour le Fonds d’investissement public d’Arabie Saoudite. Or, le Proche et le Moyen-Orient constituent un marché en essor pour les cabinets de conseil car les États de cette zone géographique souhaitent préparer l’après pétrole et diversifier leur économie. Ils sont, en outre, adeptes du « soft power ».
Ces dernières années, l’ESG et la décarbonation ont été des sources de revenus pour les cabinets de conseil. Pour répondre à la demande des entreprises et des États, les géants du conseil ont développé d’importants départements en recrutant des spécialistes. En 2021, McKinsey a acquis trois cabinets de conseil en développement durable. En 2022, Accenture en a acheté cinq. Face à l’hostilité croissante des populations vis-à-vis des contraintes générées par le développement durable, les pouvoirs publics réduisent leur ambition en la matière. Les ventes de voitures électriques sont, ces derniers mois, inférieures aux prévisions. Les entreprises commencent à réviser à la baisse leurs projets en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Le besoin de conseils pourrait être moins important dans les prochaines années.
Le développement de l’intelligence artificielle semble être en revanche un créneau en plein essor. Outre la plateformisation de leurs activités, Les entreprises souhaitent instiller des robots qui conversent en interne ou en externe. Les difficultés de recrutement incitent à recourir de plus en plus au numérique. Les cabinets de conseils sont également des consommateurs d’intelligence artificielle afin de proposer à leurs clients des solutions faciles à mettre en œuvre et éprouvées grâce à leur modélisation préalable. L’intelligence artificielle pourrait à terme réduire le nombre de consultants nécessaires. Il n’en demeure pas moins que l’IA est une source de revenus de plus en plus importante. Plus d’un milliard de dollars de revenus sont attendus par Accenture en la matière pour le premier semestre 2024. Les grands cabinets de conseils travaillent en étroite collaboration avec les entreprises des technologies de l’information et de la communication que ce soit Microsoft ou Google. Les cabinets craignent néanmoins que les entreprises de la haute technologie les remplacent et exercent eux-mêmes le métier de conseil. Microsoft est, en effet, avant tout une société de services conseillant ses clients tout comme IBM.