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Métaverse : mirage ou nouvel eldorado ?
Dans les métaverses en construction, comme dans le monde réel, on assiste à une frénésie d’achats « immobilier ». Des entreprises, des particuliers dépensent des sommes plus importantes pour disposer d’un emplacement pouvant offrir, à terme, une visibilité dans l’univers virtuel, faisant ainsi le bonheur des vendeurs. Dans SuperWorld, une planète virtuelle, les internautes achètent des versions numériques de n’importe quel endroit sur Terre pour des montants atteignant en moyenne 3 000 dollars. Le Taj Mahal et la tour Eiffel se sont échangés pour des sommes bien plus importantes, 200 000 et 400 000 dollars respectivement. Les anciens propriétaires virtuels les avaient acheté pour moins de 400 dollars chacun. Des mondes entièrement inventés attirent également les investisseurs. En novembre, Republic Realm, une entreprise qui gère et développe l’immobilier numérique, a payé 4,3 millions de dollars pour un terrain sur une plate-forme appelée Sandbox. Le même mois, Tokens.com a dépensé 2,4 millions de dollars pour un terrain dans le quartier Fashion Street de Decentraland. Dans ce quartier, des boîtes de nuit et des casinos virtuels sont des sources de revenus et de passage, ce qui conduit à une augmentation des prix de l’immobilier. La maison de vente aux enchères, Sotheby’s, a également ouvert une galerie virtuelle sur Decentraland. Elle organise des ventes de nft. Somnium Space, une plateforme concurrente, a gagné plus de 1,8 million de dollars de ventes de terrains sur le seul mois de novembre. Dans d’autres mondes virtuels, des salles de concert ont été créées et diffusent les performances des avatars de Justin Bieber et d’Ariana Grande. À proximité des salles de concert, des boutiques virtuelles ont été louées par des maisons de mode telles que Gucci, Dolce & Gabbana, Burberry et Balenciaga. Ces dernières vendent depuis plusieurs mois des articles de marque dans les sites « métaverse ». Comme dans le monde physique, le prix des emplacements dépend de la fréquentation et du potentiel commercial de la plateforme. L’appréciation des biens immobiliers virtuels est fonction du nombre d’utilisateurs de la plateforme et de leur volonté, ou non, de réaliser des achats virtuels. Afin d’améliorer leur fréquentation, les métaverses proposent en exclusivité des évènements comme des concerts, des ventes privées de nft permettant d’accéder à des biens réels, etc. Le prix des emplacements est lié à des effets de mode pouvant se retourner très rapidement. Contrairement aux biens physique, la rareté est dans le monde virtuel une valeur relative. Chaque royaume virtuel est en effet illimité. Par ailleurs, il est possible de créer de nouveaux royaumes à tout moment. Des centaines de métaverses ont été créés ces derniers mois et d’autres sont en préparation. Une concurrence sauvage existe entre ces différents mondes virtuels.
L’engouement est de nature spéculative et donc volatile. Les ventes de propriétés virtuelles impliquent généralement l’échange de la cryptomonnaie usité sur la plateforme. Pour acquérir des biens sur Decentraland, il faut disposer de la crypto maison « le mana ». Pour Sandbox, il faut utiliser des jetons numériques appelés « sand ». Le prix de ces cryptoactifs peuvent fluctuer de manière importante et rapide même par rapport aux cryptomonnaies établies telles que le bitcoin ou l’éther qui eux-mêmes constituent une classe d’actifs difficilement prévisible.
Pour réduire le risque, les investisseurs spécialisés dans les nft et les métaverses comme « Republic Realm » diversifient leurs avoirs. Cette entreprise possède des terrains sur 23 plateformes métaverses distinctes.
Comme pour les réseaux sociaux, un écrémage interviendra au sein des mondes virtuels en construction avec, à la clef, de nombreux perdants. Les dirigeants des métaverses pourraient être évidemment tentés de limiter les droits de propriété pour faire augmenter les prix. La création de quartiers ou de rues de luxe virtuels reprenant les règles du monde réel est retenue par les plateformes qui ont, par ailleurs, comme objectif d’attirer le plus grand nombre d’internautes.
Les jeux vidéo, des drogues dures ?
Le monde devient un grand jeu vidéo. Du monde physique au monde virtuel des métaverses, la logique du « gaming » a envahi l’ensemble des sphères de l’activité humaine. Les voitures avec leur écran de plus en plus grand, les smartphones et leurs applications, le commerce, l’éducation, les loisirs sont de plus en plus influencés par les jeux vidéo. Le e-sport est devenu une activité sportive reconnue au niveau international au point que certains souhaitent créer des Jeux Olympiques qui leur seraient dédiés.
Selon les chiffres communiqués par le Syndicat des Éditeurs de logiciels et de Loisirs (SELL), près de 73 % des Français, soit environ 38 millions de personnes ont joué, au moins, occasionnellement, aux jeux vidéo en 2021, soit deux millions de plus qu’en 2020, une année qui avait pourtant été marquée par une forte progression du nombre de joueurs en raison de la pandémie et des confinements qui en a résulté. Les jeux vidéo ne sont plus le pré carré des jeunes. 77 % des parents jouent avec leurs enfants. Les femmes sont désormais majoritaires dans les adeptes des jeux vidéo. Parmi les joueurs plus réguliers, les hommes restent, en revanche, majoritaires. Les femmes jouent avant tout sur leur smartphone (deux tiers).
En parallèle à la diffusion croissante des jeux vidéo dans la vie quotidienne tendance, des voix se font entendre pour souligner les dangers de la surconsommation des jeux vidéo qui génèrent des dépendances. L’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu comme affection « le trouble du jeu », trouble provoqué par une utilisation de manière compulsive des jeux, occasionnant , des dommages sur la santé. La Chine, le plus grand marché du jeu au monde, a annoncé de nouvelles règles limitant les enfants à une seule heure de jeu par jour les vendredi, samedi et dimanche. En Corée du Sud, les autorités ont également réglementé l’usage des jeux à l’école. Au sein des pays occidentaux, des centres de traitement contre l’addiction aux jeux vidéo ont ouvert.
Les jeux sont-ils vraiment addictifs ? Les psychologues sont divisés. Dans le passé, des jugements comparables avaient été émis à l’encontre des romans, des bandes dessinées, de la télévision, du jazz ou du rock’n roll. Les critères utilisés pour diagnostiquer la dépendance au jeu demeurent vagues. Un usage obsessionnel des jeux vidéo cache, en règle générale, d’autres pathologies comme la dépression. Il serait plus une résultante qu’une cause même s’il aboutit à plonger l’utilisateur dans un cercle vicieux. Si pour certains les jeux vidéo isolent, pour d’autres ils permettraient de nouvelles formes de socialisation. 61 % des joueurs considèrent qu’ils créent des liens. Les jeux en ligne offrent la possibilité de constituer des communautés très larges. Les messageries instantanées permettent des échanges rapides entre joueurs. Elles sont également des portes d’entrée pour des trafics diverses et variées (drogue, pédophilie, etc.).
La dépendance aux jeux est d’autant plus forte que, contrairement aux groupes de rock ou aux romanciers, les développeurs ont à la fois la motivation et les moyens de concevoir leurs produits pour les rendre irrésistibles. Autrefois, les jeux étaient achetés pour un coût initial unique. En ligne, l’accès au jeu est illimité dans le temps. En jouant sur le principe de la récompense, les créateurs de jeux incitent les joueurs à rester sur les plateformes le plus longtemps possible. Avec la récupération des données fournies gratuitement par les joueurs, les développeurs peuvent affiner et modifier, en temps réel, leurs jeux pour les améliorer et augmenter les dépenses. Les règles en vigueur pour les jeux d’argent s’appliquent aux jeux vidéo. L’objectif est d’attirer et de conserver le plus longtemps les joueurs en les incitant à dépenser toujours plus. Avec les confinements, le temps dévolu aux jeux vidéo a augmenté. En France, les parents tentent de réguler l’usage des jeux vidéo par leurs enfants. 49 % d’entre eux déclarent connaître et utiliser les système, contre 32 % en 2019.
Les sociétés de jeux devraient mettre une plus grande partie de leur trésor de données à la disposition des chercheurs. Si, comme cela semble probable, les inquiétudes concernant la dépendance sont exagérées, il est difficile de penser à une manière plus claire de le démontrer. Dans le cas inverse, il vaudrait mieux que les entreprises reconnaissent le problème dès maintenant et fassent preuve d’initiative pour le résoudre, faute de quoi, les régulateurs pourraient les contraindre à agir. Or, comme la Chine l’a montré, une fois qu’un gouvernement est pris d’une crise de panique morale, il peut se déchaîner.
Les startupers, la classe qui monte
La numérisation de l’économie s’accompagne de la montée en puissance d’une nouvelle catégorie au sein de la population, celle des « startupers ». Cette catégorie comprend les créateurs d’entreprises dont l’activité est liée au digital ainsi que les cadres qui y sont employés. Ce sous-ensemble comprend 600 000 personnes. Il faut y ajouter les cadres des entreprises traditionnelles dont l’emploi est en lien avec les technologies de l’information et de la communication, soit environ 800 000 personnes. L’écosystème des startups ne se limite pas aux seules entreprises technologique. Il faut ajouter les centres de recherche, les incubateurs, les laboratoires des universités et des grandes écoles centrées sur les techniques de l’information et de la communication ainsi que les fonds de capital-risque. Au total, plus de 1,5 million de personnes travaillent directement ou indirectement au sein de la sphère digitale. Cet univers du digital reste majoritairement masculin (77 %) même si ces dernières années, les femmes se font plus nombreuses notamment dans les domaines de la communication et l’analyse des données. Le marketing digital attire également de plus en plus de femmes. La principale particularité de ce nouveau monde est son caractère urbain et très parisien. 40 % des effectifs sont basés en Île de France et 75 % au sein des grandes métropoles. Une startup sur deux est installée en région parisienne. Près des deux tiers des financements profitent à des startups dont le siège social est à Paris. Les startups sont créées avant tout par les diplômés de l’enseignement supérieur dont les établissements se situent essentiellement en Île-de-France.
Les startupers changent à grande vitesse les codes du monde du travail, que ce soit au niveau des comportements, de la manière de s’habiller ou au niveau de l’organisation du travail. Les startups ont popularisé les entreprises sans bureau qui recourent aux espaces de coworking. En 2019, la France comptait plus de 1 700 espaces de coworking, contre 370 en 2015. Un tiers de ces lieux sont en Île-de-France et un quart à Paris. Les startups embauchent des personnes en « full remote », c’est-à-dire qui travaillent de chez eux, dans des hôtels ou au sein d’espace de coworking. Le mode de vie professionnelle des startupers se diffuse au sein des entreprises traditionnelles qui prévoient au sein de leurs bureaux des espaces de détente ou des ateliers de cocréation. Les startupers, associés aux valeurs de jeunesse, de réussite, d’urbanité et de cosmopolitisme, ont tendance à vivre au sein des quartiers à la mode ou bourgeois des grandes agglomérations. À Paris, ils se concentrent dans le 9e, 10e arrondissements voire, fortune aidant, dans le 6e et le 7e arrondissement. Ils sont des adpetes de l’alimentation végan, du bio, des deux-roues et de la livraison à domicile. Leur présence modifie la structure commerciale de certains quartiers comme dans le 10e et dans certaines rues du 6e arrondissement à Paris. Cet écosystème mis en valeur par le Président de la République, Emmanuel Macron, avec le terme de « startup nation » dispose de ses propres organes de communication comme le site « Maddyness » ou le site de recrutement qui lui est dédié « Welcome to the Jungle ».
Cette catégorie de la population française s’autonomise de plus en plus. Elle se distingue du monde classique des cadres et des entrepreneurs. Composé essentiellement de diplômés bac+5, ce groupe est plus ouvert sur l’international que celui des cadres ou des entrepreneurs classiques. La Chine, la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis, ou plutôt les entreprises de la haute technologie de ces pays, sont leurs références. La participation au salon CES de Las Vegas constitue pour de nombreux startupers un passage obligé. La « startup nation » crée une nouvelle catégorie d’entrepreneurs dont les comportements et la richesse commencent à infuser au sein de la société française même si, en proportion, ce phénomène n’est pas comparable à celui en cours aux États-Unis.