Le Coin des Tendances – transition énergétique – immobilier
Les États-Unis et la conquête du vert
Les tergiversations des États-Unis sur l’Accord de Paris signé en 2015 ont donné l’impression que le pays qui a réussi grâce au pétrole à s’imposer comme première puissance économique mondiale n’arriverait pas à changer de modèle économique, imitant en cela le Royaume-Uni qui a du mal à abandonner le charbon. Or les États-Unis entendent non seulement rattraper leur retard en particulier vis-à-vis de la Chine ou de l’Europe, mais aussi devenir numéro 1 en matière de décarbonation. Que ce soit en matière solaire, éolien ou d’hydrogène, les initiatives se multiplient aux quatre coins du territoire.
En Californie, au milieu du désert, des champs de panneaux solaires se multiplient. Plug Power, une entreprise spécialisée dans les solutions technologiques décarbonées, fournit aux entrepôts exploités par Walmart et Amazon des chariots élévateurs fonctionnant à l’hydrogène. Cette entreprise construit l’une des plus grandes usines au monde pour fabriquer de l’hydrogène liquide afin d’alimenter les charriots élévateurs. Le conseiller national sur le climat de la Maison Blanche, Ali Zaidi, se réjouit du nombre croissant de projets financés dans le cadre des trois lois adoptées depuis l’arrivée de Joe Biden au pouvoir : la loi sur les infrastructures (BIL), l’Inflation reduction act (IRA) et la loi sur les microprocesseurs. Ce nombre dépasse toutes les prévisions. Les entreprises ont annoncé plus de 200 milliards de dollars d’investissements pour la réalisation d’usines de batteries, de véhicules électriques ou d’installation d’énergie renouvelables. 65 milliards de dollars ont été injectés par les pouvoirs publics depuis l’adoption l’IRA en août dernier. La Secrétaire américaine à l’énergie, Jennifer Granholm, a indiqué que l’objectif est le maintien du leadership en matière énergétique. Les États-Unis ont conforté ce rôle depuis la guerre en Ukraine avec des exportations de pétrole, qui ont atteint un niveau record l’année dernière. Le pays a exporté également des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié afin de compenser la disparition des exportations russes. Si Joe Biden défend publiquement la suppression des combustibles fossiles, l’administration défend avec force les intérêts du secteur pétrolier et gazier. Cette défense est classique à moins de deux ans de l’échéance présidentielle. Le pragmatisme politico-économique est inscrit dans les lois pro-environnement. Ces lois mentionnent que des crédits pourront être affectés à la capture et la séquestration du carbone ou de l’hydrogène fabriqué à partir de combustibles fossiles. Elles ne prévoient en aucun cas la remise en cause de l’industrie pétrolière.
Au-delà du lobbying du secteur pétrolier, les États-Unis se sont depuis deux ans lancés à marche forcée dans la production d’énergies renouvelables qui représentent désormais plus de 20 % du mix énergétique du pays. Les dispositions liées au climat de l’IRA prévoient près de 370 milliards de dollars de crédits d’impôt et subventions au cours de la prochaine décennie pour l’énergie et les infrastructures mais dans les faits, ce montant n’est pas un plafond et peut être dépassé. Des premières estimations évaluent les dépenses publiques de l’IRA pour le climat à plus de 800 milliards de dollars. Selon la banque Goldman Sachs, avec les financements privés, le montant total des investissements en faveur de la décarbonation pourrait dépasser 1600 milliards de dollars d’ici 2035. En 2022, la production électrique à partir d’énergies renouvelables a dépassé pour la première fois celle générée à partir du charbon. Avec l’industrialisation des filières, les coûts de production de l’électricité par l’éolien et du solaire sont désormais en-dessous de celui de la production d’électricité par le charbon. Un rapport du Climate Power, un centre d’études américain, a indiqué que plus de 100 000 nouveaux emplois avaient été créés dans 31 États depuis l’adoption, en août dernier de l’IRA. Même dans les États pétroliers les projets d’énergies renouvelables se multiplient. Plus de 75 projets sont ainsi en cours de développement au Texas et en Louisiane. ExxonMobil supervise un projet de 100 milliards de dollars de capture et stockage du CO2 le long du golfe du Mexique.
Des associations écologistes américaines estiment que la conversion de l’administration fédérale à la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas sans ambiguïté. Elles estiment que les choix en faveur de la captation du CO2 ou de l’hydrogène sont contestables car ils donnent dans les faits la possibilité aux entreprises d’exploiter durant de nombreuses années les énergies fossiles. L’administration américaine met en avant que les experts du climat de l’ONU jugent nécessaire le recours au stockage du CO2 , au nucléaire ou à l’hydrogène, pour atteindre les objectifs climatiques à long terme. Les pouvoirs publics ont souligné qu’ils soutiendront toutes les formes de capture du carbone capables de faire des États-Unis le pays de référence dans ce domaine. Le stockage du CO2 devait être multiplié par plus de six d’ici 2030. Autre sujet de contestation, la déforestation : les pouvoirs publics sont accusés de détruire des forêts afin d’installer des panneaux solaires ou des éoliennes. Les recours contre les projets d’énergies renouvelables se multiplient au point de bloquer près de 1 000 Gigawatt de production d’électricité.
Sur le modèle européen, l’administration de Joe Biden travaille sur une taxe carbone qui pourrait devenir une nouvelle arme protectionniste à l’encontre des produits en provenance des pays émergents et en développement. Sur ce sujet sensible, un rapprochement avec les autorités européennes est en cours avec l’idée de créer un club du carbone rassemblant les États qui opteraient pour des droits de douane calculés en fonction des émissions des gaz de serre générés lors de la production des biens. Plusieurs secteurs industriels sont opposés à l’instauration de tels droits qui pourraient compliquer l’acquisition d’intrants et dégrader la compétitivité des entreprises produisant aux États-Unis. Le système de taxe carbone aux frontières est également susceptible d’être une source de complication réglementaire au niveau des échanges. Les importateurs devront fournir des preuves sur les montants des émissions gaz à effet de serre et sur les modalités de leur taxation dans les pays d’origine des biens concernés. Le même débat existe en Europe. Le Congrès américain est traversé par des courants contraires. Le dépôt de propositions de loi pour faciliter la recherche de gisements pétroliers en est la meilleure preuve. La perspective de l’élection présidentielle de 2024 devrait compliquer la situation et favoriser l’attentisme. Les États-Unis, malgré les engagements de Joe Biden, risquent de ne pas respecter les engagements pris dans la cadre des Accords de Paris. Ils ne seront certainement pas les seuls. Seuls des mesures réglementaires contraignantes en matière d’utilisation de l’énergie pourraient réellement infléchir, selon des associations environnementales, les émissions de gaz à effet de serre dans un pays qui reste dépendant du transport routier. L’obligation d’utiliser des carburants à faible émission de carbone serait un moyen efficace et rapide. L’application rigoureuse des règles sur la qualité de l’air serait également une solution pour changer les comportements.
La croissance au service de la décarbonation
D’ici le milieu du siècle, la neutralité carbone sera la règle pour un grand nombre de pays. Cette révolution à effectuer en moins de trente ans passe par un recours croissant à l’électricité dont la production devra générer le moins d’émissions de gaz à effet de serre possible. Les besoins en électricité seront importants avec l’électrification d’une grande partie des transports et des process de production au sein de l’industrie. La demande en électricité sera, en outre, accrue par le réchauffement climatique qui poussera les entreprises et les ménages à s’équiper en climatiseurs. La montée en puissance de l’énergie électrique concernera les pays occidentaux mais aussi ceux qui sont émergents et en développement. Or ces derniers éprouvent des difficultés à se doter de réseaux électriques fiables. Selon un rapport de l’Energy Transitions Commission, des moyens financiers seront nécessaires pour accroître les capacités de production d’énergie électrique et les réseaux. Au total, les coûts atteindront les 2 000 milliards de dollars par an dont 1 100 pour les seuls réseaux. Or, selon l’Agence internationale de l’énergie, en 2021, les dépenses mondiales consacrées aux réseaux électriques ne se sont élevées qu’ à 260 milliards de dollars par an.
Au-delà des questions financières, la transition énergétique est ralentie par le manque d’ingénieurs et par les contraintes administratives. Plusieurs États dont la France ou les États-Unis modifient leur législation afin de pouvoir accélérer la réalisation des infrastructures nécessaires à la transition énergétique. Afin de faciliter l’installation d’éoliennes ou de panneaux solaires, le Royaume-Uni a décidé de donner la possibilité aux concessionnaires de réduire le prix de l’électricité pour les ménages habitant à proximité ou dont les terrains peuvent être affectés par les lignes électriques. En Allemagne, ce système d’incitation est contreproductif car il a tendance à cristalliser les opposants qui estiment que les compagnies d’électricité achètent à faible prix le silence de la population. La création de parc d’éoliennes ou de panneaux solaires est contestée par des associations de défense de l’environnement qui mettent en avant les conséquences de ces implantations sur la biodiversité ou le bilan carbone des infrastructures.
Le financement des infrastructures des énergies renouvelables ne pourra être réglé que si ces dernières sont rentables. La croissance et les gains de productivité sont indispensables pour réaliser la décarbonation de la production d’énergie. Pour certains mouvement écologistes, la lutte contre le réchauffement climatique passe par un autre système économique qui ne reposerait ni sur la rentabilité, ni sur la croissance. Or, à défaut d’autres solutions crédibles, ces deux valeurs restent les meilleurs alliés de l’environnement.
La crise immobilière a-t-elle eu lieu ?
L’immobilier est sensible à l’évolution des taux d’intérêt. En règle générale, leur relèvement est annonciateur de baisse des prix de l’immobilier. Une augmentation du prix de l’argent rend plus coûteux les projets d’investissement dans la pierre. La hausse des taux pèse sur la demande, ce qui conduit les agents économiques à revoir à la baisse leurs projets. En France, au début des années 1990, la hausse des taux d’intérêt a provoqué une contraction du prix de l’immobilier de près de 50 %. La hausse rapide des taux d’intérêt depuis un an n’a pas, pour le moment, provoqué une chute brutale des prix des logements ou des bureaux.
Un retournement mesuré du marché de l’immobilier
Depuis une quinzaine d’années, les prix de l’immobilier connaissent une hausse importante dopée par les taux d’intérêt bas et par une insuffisance de l’offre. A la sortie des confinements, les transactions ont atteint des niveaux records accentuant le processus de valorisation. La hausse des taux d’intérêt engagée pour lutter contre l’inflation, la plus importante de ces quarante dernières années, est intervenue en plein boom des prix immobiliers. Elle a entraîné une diminution rapide des ventes dans les pays qui pratiquent les taux variables. Elle a atteint plus de 20 % par rapport à a moyenne des cinq dernières années aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada ou en Nouvelle Zélande. En Europe continentale hors Suède, les transactions ont faiblement diminué. Les prix y ont reculé dans des proportions modestes. Selon l’OCDE, les prix ont diminué, en 2022, de 14 % en Suède et en Nouvelle-Zélande. En Australie, ils ont baissé de 9 %. En France, les prix ont progressé de 6 % en 2022 comme dans l’ensemble de l’Europe. Pour 2023, les prix seraient en baisse dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE mais de manière modérée au vu des hausses passées. En France, selon les premières informations, sur le premier trimestre 2023, les prix seraient en baisse de 1 % (source Orpi). À Paris et certaines grandes villes qui avaient connu de fortes hausses ces dernières années, la baisse est plus marquée. Les prix auraient ainsi reculé de 5 % à Paris, de 7 % à Lyon, de 10 % à Bordeaux et de 12 % à Lille. En revanche, dans plusieurs villes ayant des prix moins élevés, ces derniers seraient toujours orientés à la hausse (+10 % à Brest, +14 % à Calais ou +25 % à Bourges).
La résilience du marché par atrophie de l’offre
Plusieurs facteurs contribuent à la résistance du marché immobilier. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, la pratique des taux variables a reculé depuis la crise des subprimes. Néanmoins, près de deux cinquièmes des emprunteurs au Royaume-Uni devraient subir des augmentations de taux car la garantie de taux n’avait été accordée que pour deux ans. Cette correction pourrait provoquer une accélération de la baisse des prix. Les emprunteurs ne pourront plus compter sur l’épargne accumulée lors de la crise sanitaire. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, elle a été consommée en grande partie. L’insuffisance de l’offre explique le maintien de prix élevés. La demande en biens immobiliers se concentre dans les grandes agglomérations avec une préférence de plus en plus marquée pour les périphéries et sur les littoraux. L’adoption de dispositions visant à restreindre l’artificialisation des sols limite les possibilités de constructions concourant à une pénurie de logements. Pour l’immobilier professionnel, la situation est plus contrastée. La demande en entrepôts reste vive. Pour les bureaux, le télétravail devrait modifier à terme les besoins. Le lieu et la qualité des services seront de plus en plus discriminants. Le commerce de centre-ville est de son côté en difficulté. Les centres commerciaux doivent faire face à un renouvellement rapide des enseignes. Leur avenir dépend de leur localisation, des services proposés (loisirs, centres de santé, etc.) et du potentiel des zones de chalandises.
Un retour prochain des hausses ?
Pour de nombreux investisseurs, la baisse des prix de l’immobilier serait de courte durée. Le programme de hausse des taux directeurs arriverait à sa fin. Une ou deux hausses au maximum sont encore attendues pour la FED, la BCE ou la Banque d’Angleterre. Le pays qui serait le plus exposé à de nouvelles baisses importantes de l’immobilier serait le Royaume-Uni (-12 % en 2023 selon Capital Economics). Le point le plus inquiétant dans la majorité des pays de l’OCDE est la diminution de la construction de logements neufs. En Allemagne, elle devrait se situer autour de 245 000 contre 400 000 attendus. Des contractions sont à prévoir au Royaume-Uni, aux États-Unis voire en France où le niveau de la construction est déjà faible. Dans de nombreux pays, l’accès à la résidence principale est hors de prix sans apport personnel important compte tenu des taux d’intérêt, du prix des logements et des taxes. Au Canada, un employé pour acquérir une maison individuelle y doit consacrer 70 % de son budget en 2023 contre 46 % en 2020 selon la Banque Royale du Canada, au Canada. En France, les taxes de raccordement pour les maisons peuvent atteindre plus de 20 000 euros auxquels il convient d’ajouter la taxe foncière. Par ailleurs, les prix de construction sont en forte hausse du fait de la hausse des prix et de la pénurie de main-d’œuvre. Les devis pour des chantiers immobiliers sont en hausse, sur un an de 15 à 30 % en Europe. Le prix du mètre carré construit (hors terrain) est ainsi en forte augmentation, autour de 3000 euros en moyenne dans les régions à forte tension.
La décrue des prix de l’immobilier serait une bonne nouvelle pour les acheteurs et compenserait le surcoût lié à la hausse des taux. Les diminutions constatées depuis un an érodent légèrement l’augmentation des prix qui a été de 100 % en vingt ans dans un grand nombre de pays.