L’impôt sur le revenu français, le mal-aimé
L’impôt sur le revenu à travers les âges : une bataille jamais achevée !
« Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts » Karl Marx.
Depuis cinq siècles, l’imposition des revenus, en France, connaît des phases de simplification et de complication avec une constante, la méfiance des contribuables face à la fiscalité directe. De la taille personnelle instituée en 1439 à l’actuel de l’impôt sur le revenu, les Français sont toujours aussi rétifs aux déclarations et à leur caractère inquisitorial, ils souhaitent des systèmes simples mais réclament des dispositifs taillés sur mesure.
« Si en France on établit l’impôt sur le revenu, on commencera avec un taux progressif fort supportable, et puis, chaque année, à l’occasion du budget, on l’augmentera » (Vilfredo Pareto).
« On a demandé l’impôt progressif, le crédit gratuit, le droit au travail, le droit à l’assistance, la garantie de l’intérêt, d’un minimum de salaire, l’instruction gratuite, les avances à l’industrie, etc., etc.; bref, chacun a voulu vivre et se développer aux dépens d’autrui (Frédéric Bastiat – Spoliation et Loi).
« Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche. Vous devriez vous demander encore s’il est possible que le sol reçoive autant de cette eau précieuse par la pluie qu’il en perd par l’évaporation? » (Frédéric Bastiat – Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas)
La taille personnelle ou l’ancêtre déjà contesté de l’impôt sur le revenu
Sous l’Ancien Régime, les impôts indirects, gabelle, aides, traites… représentaient plus de la moitié des recettes fiscales. La population contestait parfois violemment ces impôts du fait des méthodes arbitraires et expéditives des Fermiers généraux, les jacqueries n’étaient pas rares….
Trois grands impôts directs s’appliquaient avant la Révolution. La taille créée au 15ème siècle, la capitation instaurée en 1695, le dixième institué en 1710 et transformé en vingtième en 1749. Ces impôts apportaient moins du quart des recettes fiscales.
La taille personnelle est l’ancêtre de notre impôt sur le revenu. Initialement, impôt seigneurial, il fut transformé en un impôt permanent sur le revenu des personnes physiques roturières par Charles VII en 1439. Elle portait sur toutes les facultés du contribuable, c’est à dire tous ses revenus à condition qu’il ne soit pas privilégié ou résident d’une région ou d’une ville exemptée. Dans les pays d’Etat, environ un tiers du Royaume (essentiellement le sud de la France, la Bretagne, la région de Dijon et de Besançon ainsi que dans la région de Valenciennes) la taille était dans les faits un impôt foncier établi à l’aide du cadastre.
Comme la majorité des impôts sous l’Ancien Régime, la taille personnelle était un impôt de répartition. Le montant global des recettes était fixé par avance puis divisé entre les contribuables. Cette solution permettait au pouvoir central d’avoir en caisse la somme prévue. Une série de répartition était effectuée. Ainsi, dans les pays d’élections, les intendants de province répartissaient entre les élections (équivalent d’un département) les montants dus. Une nouvelle répartition était alors réalisée entre les diocèses. Des abattements étaient admis en cas, en particulier, de catastrophes naturelles ou de mauvaises récoltes.
Les répartitions à l’intérieur des villages ne posaient guère de problèmes du fait que chacun connaissait les facultés du voisin. L’administration centrale a très tôt considéré que ce système ne permettait pas une véritable taxation des revenus et que les contribuables réduisaient leurs facultés de paiement. Les mages de manœuvre du pouvoir central étaient faibles en raison de la multitude d’intermédiaires.
Compte tenu du délabrement des finances du Royaume après les guerres de Louis XIV, une réforme des impôts directs est entreprise au 18ème siècle. Par crainte d’une fronde, le Roi décida de ne pas réunir les Etats généraux et de modifier à la marge le système fiscale. En 1710, le contrôleur général des finances Desmaretz mit en œuvre, à titre expérimental, pour l’impôt dénommé « dixième » la déclaration des revenus qui fut étendue à la taille en 1716. La déclaration des revenus se généralise juste avant 1789. Ces déclarations permettent aux contrôleurs généraux de mener une politique fiscale active. Ainsi, Necker exonère les familles nombreuses et les veuves. Il institue, pour la première fois, la progressivité et la déduction des charges nettes.
Les Cours de province s’opposèrent à ces réformes qu’elles considéraient comme l’expression même de l’absolutisme royal. La généralisation des déclarations a accru, en effet, les pouvoirs des représentants de l’administration au détriment des seigneurs locaux. Par ailleurs, avec la montée en puissance de la bourgeoisie, l’exonération de la noblesse était de plus en plus mal ressentie. Comme l’a souligné Tocqueville au sujet de la réforme des impôts, « on dirait que les Français ont trouvé leur situation économique d’autant plus intolérable qu’elle devenait meilleure ». Les carnets de doléance de 1789 sont remplis des rancœurs générés par la taille.
De la Révolution à l’impôt Caillaux, un long chemin de croix
La Révolution française a pour fondement l’incapacité de Louis XVI à assainir ses finances publiques. Convoqués pour trouver des solutions budgétaires, les Etats Généraux aboutiront à la chute du régime et de la royauté.
La question fiscale est alors un sujet clef à tel point qu’elle fait l’objet de plusieurs articles au sein de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. L’article 13 de cette déclaration indique que « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leur faculté ». Par ailleurs, l’article 14 souligne que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux même ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Les premières Assemblées et le Consulat mettent en place une fiscalité indiciaire sans prise en compte des facultés globales et réelles des contribuables. Ainsi, quatre contributions sont créées : la contribution foncière (revenu des terres et des maisons), contribution mobilière (revenus mobiliers), contribution des patentes (bénéfices du commerce et de l’industrie), contribution des portes et des fenêtres. Ces quatre contributions qui depuis ont été transférés aux collectivités territoriales ont été dénommés les quatre vieilles.
Ces impôts obéissaient à l’époque à la règle de la répartition. De ce fait, de forts écarts existaient entre les communes. Le taux de la contribution mobilière pouvait varier de 1,6 à 37 %. L’égalité fiscale demeurait, de ce fait, toute relative malgré les souhaits clairement exprimés par les constituants.
Par réaction au caractère inquisitorial de la taille, le législateur avait opté pour des assiettes très peu personnalisées. Ainsi, les portes et les fenêtres ne sont que des indicateurs grossiers du niveau de revenu des contribuables. Les maçons furent, par ailleurs, incités à réduire le nombre des ouvertures dans les maisons. Ainsi, Balzac écrivait dans Eugénie Grandet que le père Grandet possédait « une vieille abbaye où par économie, il avait muré les croisées, les ogives, les vitraux ». La contribution sur les portes et fenêtres resta en vigueur durant une centaine d’années du fait de la facilité du recensement et de l’impossibilité de la fraude. En revanche, les salaires, les traitements et les pensions échappaient en grande partie à l’imposition.
Le système d’imposition issu de la Révolution fut remanié au cours du 19ème siècle. La contribution foncière qui devait être le principal impôt ne rapporta jamais énormément en raison des dispositions dérogatoires qui furent adoptées. Il est à noter que la quotité remplaça la répartition à compter de 1890. Cette mutation permit une meilleure prise en compte des capacités des contribuables. La contribution mobilière cessa dès l’an VIII d’être un impôt mobilier pour devenir un impôt sur la dépense du loyer. Elle devint ainsi une taxe proportionnelle à la valeur locative de l’habitation. Par souci de simplification, les dégrèvements pour charge de familles furent supprimés.
L’évolution de la patente qui fut définitivement remplacée par la taxe professionnelle en 1975 symbolise à la perfection comment un impôt simple peut se transformer en un impôt incompréhensible sous l’action conjuguée des corporatismes et l’administration fiscale. Le tarif de la patente comportait un droit fixe et un droit proportionnel. Le droit fixe était calculé d’après la catégorie du commerce, le chiffre de la population de la commune d’implantation, du nombre d’employés et de la nature de la profession. Par ailleurs, la nature de l’industrie et le nombre de machines utilisées étaient pris en compte. Pour le droit proportionnel, le revenu était appréhendé à travers la valeur locative des locaux professionnels et d’habitation. A ce système peu transparent, de multiples exemptions furent ajoutées année après année au point de rendre cet impôt archaïque.
Durant tout le 19ème siècle, le débat sur la mise en place d’un système déclaratoire des revenus divisa la classe politique et l’opinion tout comme la question de la progressivité.
Le débat sur l’instauration d’un impôt général sur le revenu a commencé véritablement après la guerre de 1870. Le paiement de 5 milliards de francs or en trois ans à la jeune Allemagne ainsi que le remboursement des dettes obligèrent le pouvoir à instituer une contribution sur les revenus mobiliers. Mais, cela ne déboucha pas sur un impôt permanent sur le revenu. De 1871 à 1914, plus de 200 projets ont été élaborés (proposition de Gambetta en 1876, proposition de Doumer en 1896, propositions de Caillaux en 1900 et 1907). Le Sénat était majoritairement opposé à l’instauration d’un impôt sur le revenu personnalisé et progressif.
A l’étranger, en cette fin de 19ème siècle, grâce à une organisation de plus en plus poussée des administrations fiscales, l’impôt sur revenu se généralise. Par la loi du 24 juin 1891, la Prusse a institué un impôt progressif sur le revenu des personnes physiques avec des taux variant de 0,6 à 4 % avec la possibilité de la déduction de certaines charges de familles. Au Royaume-Uni, l’income tax de Pitt en 1799 avait institué un système d’impôts cédulaires. Les revenus étaient divisés en cinq catégories. Les règles d’imposition différaient d’une catégorie à une autre. Ces cinq cédules étaient proportionnelles. En 1909, une taxe progressive fut instituée pour les revenus des contribuables aisés.
C’est le modèle anglais qui inspira le plus le législateur français. Ainsi, le projet de Joseph Caillaux prévoyait deux étages d’imposition, l’un à taxation proportionnelle, l’autre à taxation progressive. L’examen du projet commença en 1909 et s’étala jusqu’en 1914 avec la publication de la loi du 16 juillet qui créa l’impôt général. Les impôts cédulaires furent créés par la loi du 31 juillet 1917. L’impôt est avant tout un enfant de la Première Guerre Mondiale. Les divisions au sein du Parlement s’estompèrent en effet au nom de l’Union nationale et pour faire face aux dépenses militaires exponentielles. Il n’en demeure pas moins que la discussion au Parlement fut très difficile. Ainsi, un parlementaire déclara que « l’impôt progressif produit des effets indésirables, l’envi, la délation, l’inquisition, l’émigration, les haines, les discordes civiles, la ruine et finalement les servitudes ».
L’impôt sur le revenu créé en 1914 était un impôt personnel qui tenait compte des charges du contribuable et qui était progressif, se superposait aux contributions directes déjà existantes. Seuls les revenus importants étaient imposés (plus de 25 000 F.) et le taux marginal du barème qui comportait 11 tranches, s’élevait à 12,5 %.
La réforme de 1914/1917 permet à la France de rentrer dans le 20ème siècle avec un système fiscale cohérent qui frappe enfin tous les revenus et qui permet de mieux tenir compte grâce à la généralisation des déclarations et à l’abandon des signes extérieures pour taxer. L’universalité et la personnalisation sont les deux principes de la réforme Caillaux.
La superposition des impôts rendait le système d’imposition peu lisible d’autant plus que rapidement de nombreuses modifications furent adoptées. L’évaluation forfaitaire et le recours aux signes extérieurs pour fixer le montant des impôts se développa. De même, de nombreuses exonérations furent décidées Les besoins croissants de l’Etat obligèrent à un relèvement continu du taux marginal rendant l’impôt de plus en plus progressif et de plus en plus impopulaire.
L’impossible simplification 1948-1972
Après la Seconde Guerre Mondiale, une volonté de simplification se fait jour. Elle se concrétise dans la loi du 17 août 1948 tendant au redressement économique et financier et qui autorise le Gouvernement à réaliser par décrets une refonte d’ensemble des textes et codes fiscaux afin de réduire le nombre des impôts, droits et taxes, d’aménager et de normaliser leurs règles d’application et de simplifier les formalités exigées des contribuables.
Malgré des intentions ambitieuses, les décrets de 1948 ne débouchèrent pas sur la grande réforme escomptée. L’objectif de simplification céda la place à un objectif de rendement. Néanmoins, ils permettent la mise en place de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Il comporte un impôt proportionnel qui se substitue aux différents impôts cédulaires et une surtaxe progressive. Les salaires, traitements et pensions ne sont pas assujettis dès 1949 à ce système. Dès les premières années de cette réforme, les exonérations et les régimes spéciaux se multiplient.
Dans les faits, l’assujettissement à l’impôt proportionnel obéit à des règles différentes selon la nature des revenus. Le taux varie en fonction des revenus. Le taux normal de 18 % passe à 9 % pour les petits revenus. Les revenus mobiliers sont imposés selon un barème allant de 5 à 18 %. L’impôt proportionnel comportait des éléments de progressivité indéniable avec une ébauche de barème, un seuil de non mise en recouvrement et une décote. La taxe proportionnelle comportait un mécanisme de prise en compte des charges de famille.
La surtaxe progressive frappe le montant total du revenu net du contribuable. Le barème comporte neuf tranches allant de 0 à 60 %. Les tranches de 50 et 60 % sont portées à 55 et 70 % pour les célibataires. Les charges de famille sont intégrées à travers le système de quotient familial qui a subsisté jusqu’à nos jours.
La réforme de 1948 a, malgré sa complexité, apporté plusieurs progrès. Hormis le quotient familial, il faut souligner l’imposition par foyer, l’introduction de la notion de domicile fiscal, la déclaration détaillée et l’harmonisation des règles de contrôle
La réforme de 1959, la dernière grande réforme avant l’introduction de la CSG
Avec le retour du Général de Gaulle au pouvoir, plusieurs grands chantiers économiques sont engagés dont un concerne la fiscalité. La réforme de 1959 de l’impôt sur le revenu vise à moderniser cet impôt avec une harmonisation des règles entre les différentes catégories sociales. Son application s’étalera sur 13 ans pour s’achever en 1972. Le Gouvernement de Michel Debré souhaitait mettre un terme à la coexistence de deux impôts sur le revenu.
L’assujettissement des salaires selon les règles du droit commun a soulevé une réelle opposition. En effet, les salariés ne peuvent pas dissimuler une partie de leurs revenus à la différence des non-salariés. De ce fait, la commission Brassart chargée de proposer des pistes de réforme était contre l’instauration d’un barème unique. Face à ce problème, la loi du 28 décembre 1959 institua l’abattement de 20 % sur les traitements publics et privés, les émoluments, salaires, pensions et rentes viagères ; abattement, cet abattement fut supprimé en 2007.
La loi de 1959 reprend l’architecture de la surtaxe progressive de 1948 avec le quotient familial, les règles de recouvrement et de contentieux ainsi que la déclaration détaillée. Pour la première fois, les déficits catégoriels compte tenu de l’unification sont déductibles du revenu global. En outre, les déficits d’une année sont reportables sur le revenu des cinq suivantes. Le barème du nouvel impôt sur le revenu intègre la taxe proportionnelle de 5 %. Il comporte 8 tranches allant de 5 à 65 %. Les taux majorés pour les célibataires, veufs ou divorcés sont supprimés.
Jusqu’au début des années soixante-dix, le processus d’unification et de simplification se poursuivit. Néanmoins, les revenus agricoles et du capital ne seront pas soumis aux règles communes.
Ce processus de simplification a été mis à mal avec la succession des crises économiques qui sont intervenues depuis le début des années 70. Les différents gouvernements ont décidé d’utiliser l’impôt sur le revenu comme instrument de politique économique et social. Le logement, les territoires d’outre-mer, l’épargne, les emplois à domicile, les économies d’énergie… font l’objet de mesures dérogatoires qui ont tendance à être pérennisées. Par ailleurs, de manière épisodique, des augmentations sont décidées afin d’assainir les finances publiques. Elles sont suivies par des phases de réduction afin de réduire les tensions…
En 1974, le nombre de tranches est porté de 8 à 13. La décote qui avait été remplacée par une exonération en 1972 est instituée à nouveau en 1981 pour les célibataires et généralisée en 1986. Cette généralisation provoque l’exonération de deux millions de contribuables. Des majorations et minorations exceptionnelles sont introduites de manière temporaire. Par ailleurs, des éléments de personnalisation se développent. Ainsi, un abattement pour les personnes âgées, l’octroi de demi-part à partir du troisième enfant et, le plafonnement du quotient familial sont mis en œuvre.
Depuis 1981, les va et vient de l’impôt sur le revenu
Avec l’alternance de 1981, l’impôt sur le revenu est un sujet de débat entre la droite et la gauche mais aussi au sein de chaque camp. Les gouvernements de gauche ont tendance à accroître les taux et la progressivité en début de mandat et à l’alléger quand les élections se rapprochent quand ceux de droite font l’inverse. Le taux marginal de l’impôt sur le revenu atteint 65 % en 1983. Il s’appliquait ainsi, en 1986 aux revenus supérieurs à 241 740 francs soit environ 48 000 euros de 2016. A l’époque, néanmoins s’appliquait pour les revenus salariaux un abattement de 20 %. Il a été abaissé à 56,8 % durant la première cohabitation.
En 1991 a été instituée la CSG dont le taux a été progressivement augmenté ; par ailleurs, la CRDS a été créée, en 1996, afin de permettre le remboursement de la dette sociale. Ces deux prélèvements s’appliquent à tous les revenus de manière proportionnelle. La CSG rapporte 90 milliards d’euros en 2015 contre 70 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu. Le taux de la CSG est sur les revenus d’activité de 7,5 %. Il est de 6,8 % pour les pensions des retraités (avec exonération pour les retraités non imposables à l’IR, un taux réduit de 3,6 % s’applique pour ceux qui sont faiblement imposés).
En 1994, il est décidé de réduire le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu 13 à 7 avec l’incorporation des minorations et la modernisation de la fiscalité de l’immobilier avec l’introduction dans l’IR d’une possibilité d’amortissement pour l’investissement locatif, ainsi que la possibilité de déduire sur le revenu global les déficits fonciers. Alain Juppé souhaitait également simplifier l’impôt sur le revenu et à en diminuer le poids. Une diminution des niches fiscales était prévue mais elle ne fut pas réellement mise en œuvre.
Après les élections législatives du mois de juin 1997, Lionel Jospin décida d’abaisser le plafond du quotient familial et de réduire certaines réductions d’impôt en particulier celle concernant les emplois de proximité. Le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux retraités fut abaissé. Avec le débat sur la fameuse cagnotte fiscale, Lionel Jospin et Laurent Fabius décidèrent d’alléger l’impôt sur le revenu en abaissant en particulier le taux marginal et en modifiant le barème.
Cette politique de modification à la marge fut poursuivie par les Gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Villepin. Le nombre de tranches passe à 4 ; l’abattement de 20 % est, par ailleurs, supprimé sur les salaires avec en contrepartie une diminution des taux du barème.
Sous Nicolas Sarkozy comme plus tard avec François Hollande, l’impôt sur le revenu connait des évolutions contradictoires. De 2007 à 2009, le Gouvernement de de François Fillon institua le bouclier fiscal et la défiscalisation des heures supplémentaire. La Grande Récession modifia la donne avec une obligation à compter de 2010 d’endiguer la dérive des finances publiques. Il fut ainsi décidé de relever le taux marginal à 41 %, de ne pas indexer le barème sur l’évolution des prix hors tabac voté en 2011 et de créer fin 2011 une contribution exceptionnelle sur les revenus de plus de 250 000 euros par part du quotient familial. Il est à noter que dans le cadre du plan de relance de 2009, un allègement d’impôt sur le revenu ciblé sur les contribuables de la première tranche, pour un coût de 1 milliard d’euros fut instauré.
Depuis 2012, l’impôt sur le revenu a été au cœur de la politique fiscale avec des modifications relativement importantes. Conformément aux engagements pris lors de la campagne présidentielle, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a décidé d’assujettir les revenus du patrimoine qui bénéficiait d’une taxation forfaitaire ont été soumis au barème de l’impôt sur le revenu (dividendes, intérêts issus d’un compte titres). Par ailleurs, les heures supplémentaires défiscalisées ont été supprimées ; le plafond du quotient familial a été abaissé. Il a été également créé une tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %. La taxation des revenus à 75 % a été instituée pour une année et a été pris en charge par les employeurs. La part employeur des complémentaires « santé » a été fiscalisée. Le poids de l’impôt sur le revenu s’est accru atteignant en 2015 72 milliards d’euros. Le gel du barème a entraîné une augmentation du nombre de redevables, nombre qui a été réduit par les mesures depuis 2014.
Depuis 1986, que ce soit à droite ou à gauche, la question de la retenue à la source figure dans les programmes électoraux. Il a fallu trente ans afin que cet objectif fasse l’objet d’un projet de loi.
Au-delà des propos assez convergents sur la réduction des niches fiscales, il n’y a pas eu de véritable réforme de l’impôt sur le revenu mise en œuvre ces trente dernières années.
Plus de cent ans après sa création, notre impôt sur le revenu se caractérise toujours par sa forte concentration. 355 247 foyers fiscaux appartenant à la tranche à 41% et les 60 596 figurant dans celle à 45 % s’acquittent de 29,5 % du montant total de l’IR. Les trois tranches supérieures du barème paient plus de 75 % du montant total de l’impôt sur le revenu. On peut également souligner que 10 % des contribuables les plus aisés acquittent 67 % de l’impôt sur le revenu, 1 % en paient 30 % et 1 pour mille 10 % (36 700 contribuables)
Sur les 37,4 millions de foyers fiscaux que comptait la France en 2015, seuls 17,1 millions ont acquitté l’impôt sur le revenu (IR), soit 45,6 % selon le rapport annuel de l’administration fiscale (DGFIP) publié mardi 12 juillet dernier. Ce taux était de 52,3% en 2013. La baisse de ces deux dernières années s’explique en grande partie par la suppression de la première tranche du barème de l’impôt. D’après les données de la DGFIP, 800 000 contribuables sont devenus non imposables en 2015.