Tendances – Chine – Espagne – prélèvements – environnement
Espagne, championne 2024 toute catégorie confondue
La France est, depuis le mois de juin, plongée dans un brouillard politique. L’Allemagne fait face à une crise gouvernementale sans précédent depuis quarante ans, et l’Espagne pourrait connaître une deuxième année sans budget. Pourtant, la croissance mondiale devrait, cette année, dépasser 3,2 %. L’inflation, quant à elle, diminue, et les marchés boursiers enregistrent l’une de leurs meilleures performances avec une hausse globale de 20 % (le CAC 40, en revanche, connaît une baisse). À l’échelle mondiale, les situations économiques restent disparates : certains pays bénéficient d’une forte croissance, tandis que d’autres peinent à avancer.
L’hebdomadaire The Economist a, comme chaque année, analysé la situation économique des pays de l’OCDE, en s’appuyant sur plusieurs indicateurs : PIB, cours des valeurs boursières, inflation, emploi, et déficits publics.
Les pays méditerranéens à l’honneur
Pour la troisième année consécutive, les pays de l’Europe du Sud figurent en tête du classement de The Economist, avec l’Espagne en première position. La Grèce et le Portugal, autrefois symboles des déboires de la zone euro, poursuivent leur redressement économique.
En Espagne, la croissance annuelle du PIB devrait dépasser 3 %, grâce à un marché du travail dynamique et à des niveaux élevés d’immigration qui stimulent la production économique. Toutefois, bien que le PIB global progresse, le PIB par habitant augmente à un rythme plus modéré.
Certains pays d’Europe du Nord brillent également : l’Irlande, qui continue d’attirer les entreprises technologiques, et le Danemark, où le succès de Novo Nordisk et de son traitement anti-obésité soutient la croissance, complètent le top 5 des pays les plus performants. À l’inverse, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Lettonie et l’Estonie figurent parmi les nations les moins dynamiques.
L’économie américaine, portée par la consommation des ménages, a une nouvelle fois démontré sa résilience en 2024. Israël s’est également distingué, bien que sa forte croissance reflète principalement un rebond après la contraction sévère du dernier trimestre 2023, causée par le début du conflit avec le Hamas.
À l’inverse, l’Allemagne et l’Italie sont freinées par les prix élevés de l’énergie et la morosité de l’industrie manufacturière. Le Japon affiche une croissance modeste de 0,2 %, en raison des difficultés rencontrées par son secteur automobile. Enfin, la Hongrie et la Lettonie sont tombées en récession en 2024.
La France, avec une croissance de 1 %, se situe dans une position intermédiaire. Si les Jeux Olympiques et Paralympiques ont stimulé son économie, elle a également souffert du ralentissement de l’activité en Allemagne, son principal partenaire commercial, et de la crise politique survenue après les élections européennes de juin dernier.
Actions : la domination des indices américains
En 2024, les indices boursiers américains ont battu record sur record. Le marché canadien, lié à celui des États-Unis, a également enregistré de solides gains, soutenu par les secteurs de l’énergie et de la banque. Le Nikkei 225 japonais a atteint un sommet, et les valeurs technologiques, particulièrement celles liées à l’intelligence artificielle, ont suscité un fort engouement. Cependant, parmi les déceptions figurent les actions françaises, ainsi que celles de la Finlande et de la Corée du Sud.
Inflation sous-jacente : la vigilance reste de mise
Bien que l’inflation mondiale ait fortement reculé, les prix des services demeurent élevés dans de nombreux pays. Au Royaume-Uni, la croissance des salaires continue de faire grimper les coûts des services, maintenant l’inflation sous-jacente à un niveau préoccupant. En Australie, la hausse des coûts de l’immobilier reste un problème majeur. Quant à la Turquie, l’inflation demeure hors de contrôle. En revanche, la France et la Suisse sont revenues sous la barre des 2 %.
Des marchés du travail dynamiques
L’Europe du Sud, longtemps marquée par un chômage élevé, a connu une amélioration remarquable : en Grèce, en Italie et en Espagne, les taux de chômage sont à leur plus bas niveau depuis plus d’une décennie. En Italie, par exemple, le chômage a reculé de 1,4 point de pourcentage depuis le début de l’année. Aux États-Unis et au Canada, bien que le chômage ait légèrement augmenté, cette hausse est due au retour sur le marché du travail de nombreuses personnes d’âge actif, ainsi qu’à une immigration soutenue.
Finances publiques : des écarts marqués
Après des années de dépenses importantes, de nombreux pays tentent désormais de consolider leurs finances publiques. Le Danemark et le Portugal affichent des excédents budgétaires, tandis que la Norvège et l’Irlande bénéficient de ressources exceptionnelles : les revenus pétroliers pour la Norvège, et une manne fiscale exceptionnelle en Irlande, renforcée par un paiement d’arriérés d’impôts de plusieurs milliards de dollars par Apple.
D’autres pays, cependant, continuent de faire face à des déficits importants. En Pologne, le déficit primaire (avant paiement des intérêts de la dette) dépasse 3 % du PIB, en raison de l’augmentation des dépenses de défense liée à la guerre en Ukraine. En France, le déficit primaire atteint également 3 %, conséquence de la progression des dépenses courantes, notamment sociales. Au Japon, les mesures de relance massives creusent le déficit et alourdissent le niveau d’endettement. Enfin, au Royaume-Uni, la trajectoire budgétaire se détériore, avec un déficit en hausse.
Les trois meilleurs pays de l’année sont l’Espagne, l’Irlande, et le Danemark, ex aequo avec la Grèce. Ce dernier, ancien symbole des crises de la zone euro, emprunte désormais à des taux inférieurs à ceux de la France, qui se classe à la 26e position, pénalisée par sa crise politique.
Quand la Chine ne fait plus rêver les entreprises occidentales !
Même si, selon le Conseil pour la promotion du commerce international de la Chine, organisme contrôlé par l’État, 90 % des entreprises étrangères jugent leur expérience dans le pays satisfaisante, les dirigeants de ces entreprises sont de plus en plus nombreux à douter de la rentabilité de leurs investissements. Selon une enquête récente de la Chambre de commerce américaine de Shanghai, moins de la moitié des personnes interrogées ont déclaré être optimistes quant aux perspectives de leur activité en Chine au cours des cinq prochaines années, un niveau historiquement bas. Le 4 décembre dernier, General Motors (GM), un des plus grands constructeurs automobiles américains, a annoncé la dépréciation de la valeur de ses coentreprises et la fermeture de certaines de ses usines dans le pays. Le 9 décembre dernier, le gouvernement chinois a ouvert une enquête sur des pratiques anticoncurrentielles de Nvidia, le producteur de microprocesseurs destinés à l’intelligence artificielle.
Les ventes en Chine des sociétés américaines et européennes cotées en bourse ont atteint un sommet en 2021 à hauteur de 670 milliards de dollars. Ces ventes représentaient alors 15 % du chiffre d’affaires total de ces entreprises. En 2023, ce montant n’était plus que de 650 milliards de dollars. Pour 2024, il devrait être encore plus faible. La moitié des entreprises auraient enregistré, cette année, une baisse de leurs ventes. C’est le cas notamment d’Apple, de Volkswagen, de LVMH ou de Starbucks. Parmi les rares entreprises accroissant leur chiffre d’affaires en Chine figurent le laboratoire pharmaceutique Lilly et la chaîne de magasins de vente au détail Walmart.
Le recul des ventes des entreprises occidentales en Chine s’explique par le ralentissement de la demande, par une concurrence accrue et par une exacerbation du nationalisme. La crise immobilière, qui conduit à une baisse du prix des logements, a amené les Chinois à réduire leur consommation. Malgré les plans de relance du gouvernement, la demande demeure peu dynamique. La pression déflationniste nuit à toutes les entreprises chinoises et étrangères. À la fin du mois d’octobre, 27 % des entreprises industrielles chinoises accusaient des pertes. L’offre excédentaire dans divers secteurs, des véhicules électriques aux matériaux de construction, provoque une guerre des prix féroce, pesant sur le chiffre d’affaires. Les entreprises occidentales ont, par ailleurs, de plus en plus de difficultés à rivaliser avec leurs homologues chinoises. Starbucks a ainsi cédé des parts de marché à Luckin Coffee, un concurrent local moins cher qui comptait 21 000 magasins dans le pays en septembre, soit environ trois fois plus que la chaîne américaine. Brian Niccol, le nouveau PDG de Starbucks, pourrait décider de céder ses implantations en Chine à un partenaire local.
Dans de nombreux secteurs, les entreprises occidentales ne bénéficient plus de l’avantage technologique qu’elles avaient autrefois sur leurs rivales chinoises. Les producteurs chinois de robots industriels approvisionnent désormais près de la moitié du marché local, contre moins d’un tiers en 2020. Apple est de plus en plus concurrencée sur le créneau du haut de gamme par les nouveaux smartphones tape-à-l’œil de Huawei. Les véhicules électriques produits par BYD, NIO et d’autres constructeurs automobiles chinois sont non seulement moins chers que ceux des constructeurs occidentaux, mais également mieux équipés, notamment en matière d’intelligence artificielle.
Les entreprises occidentales sont également confrontées à la montée des tensions commerciales entre leurs pays d’origine et la Chine. Le 2 décembre dernier, les États-Unis ont instauré de nouvelles restrictions sur la vente d’équipements de production de microprocesseurs à certaines entreprises chinoises. Cette mesure pénalise les fabricants américains tels qu’Applied Materials, Lam Research et KLA, ainsi qu’ASML, un fabricant néerlandais d’outils de lithographie avancés. Elle pourrait donner lieu à des sanctions par rétorsion. Quatre associations industrielles chinoises ont réagi en appelant à réduire les achats de puces américaines. L’Union européenne, ayant décidé d’appliquer des droits de douane majorés à l’encontre des véhicules électriques en provenance de Chine, voit les autorités de ce pays menacer de prendre des sanctions contre Rémy Cointreau et Pernod Ricard, accusés de dumping.
En novembre, Uniqlo, un détaillant japonais de vêtements, a fait l’objet d’attaques de la part d’internautes chinois après avoir annoncé la non-utilisation de coton du Xinjiang, une région de Chine en proie à des allégations de travail forcé. Le ministère chinois du Commerce pourrait imposer des restrictions aux activités locales de PVH, le propriétaire américain de Tommy Hilfiger et Calvin Klein, pour avoir respecté une loi américaine interdisant l’utilisation de coton provenant de cette région.
Si Donald Trump met à exécution sa menace d’augmenter les droits de douane sur les produits chinois à hauteur de 60 %, voire 100 %, les autorités chinoises pourraient compliquer le quotidien des entreprises américaines installées en Chine. Certaines entreprises ont décidé de s’installer dans d’autres pays asiatiques comme le Vietnam ou la Thaïlande, mais Donald Trump a prévenu que ces pays pourraient également être concernés par la majoration des droits de douane. Par ailleurs, avec 1,3 milliard d’habitants, la Chine demeure un marché important pour de nombreuses entreprises occidentales.
Les Français, les impôts et l’environnement
La crise des Gilets jaunes, en grande partie déclenchée par l’augmentation des taxes sur les carburants, a poussé les pouvoirs publics à adopter une attitude prudente face à la mise en place d’une fiscalité environnementale. Pour mieux comprendre la perception des Français sur ce sujet sensible, le Crédoc et l’ADEME ont mené une étude en 2024. Celle-ci révèle un tissu social tiraillé entre la conscience de l’urgence climatique et le rejet quasi instinctif de toute hausse de la pression fiscale, jugée déjà excessive.
Une conscience écologique largement partagée
Quatre Français sur dix se déclarent très sensibles aux questions environnementales, tandis que six sur dix se disent préoccupés par les risques liés au changement climatique. La quasi-totalité des sondés redoute la dégradation de la biodiversité. La responsabilité humaine dans la détérioration de l’écosystème — qu’il s’agisse de l’effet de serre, de l’agriculture intensive ou de l’urbanisation effrénée — est largement reconnue.
L’idée d’un effort étatique massif pour répondre à l’urgence climatique rencontre un écho favorable : 82 % des sondés soutiennent une mobilisation budgétaire d’ampleur comparable à celle observée lors de la pandémie de Covid-19. Cette adhésion transcende les clivages socioprofessionnels. Les cadres et professions intellectuelles, en particulier, se montrent enthousiastes à l’égard d’initiatives structurelles telles que le développement des énergies renouvelables ou la relance des transports collectifs.
L’outil fiscal, un réel rejet
L’adhésion à une fiscalité écologique se heurte cependant à une opposition majoritaire : seul un Français sur cinq accepte l’idée d’une augmentation de la fiscalité environnementale. Les contribuables rejettent toute hausse d’impôts, quelle qu’en soit la raison. En revanche, ils appellent à une fiscalité perçue comme plus juste, en demandant un accroissement des prélèvements sur les ménages aisés et une suppression des niches fiscales pour améliorer le rendement des impôts.
Malgré ces propositions, le malaise fiscal reste profond. Pas moins de 76 % des Français estiment être parmi les perdants du système socio-fiscal, alors même que, dans les faits, ce système est avantageux pour plus de 50 % de la population.
Le soutien à une réorientation de la fiscalité en faveur d’objectifs environnementaux est limité : il ne se manifeste véritablement que parmi les 20 % de contribuables les plus aisés. Les autres catégories sociales attendent des pouvoirs publics des mesures favorisant une plus grande égalité devant l’impôt, ainsi qu’une baisse globale des prélèvements.
Un sentiment d’incompréhension vis-à-vis des pouvoirs publics est largement partagé. 58 % des citoyens déclarent que leurs difficultés personnelles sont ignorées par les décideurs. Dans ce contexte, l’instauration d’une taxe carbone reste une source de tensions, n’étant pas considérée comme prioritaire par une majorité de la population.
La fiscalité environnementale se heurte en France à une opposition massive, exacerbée par un contexte socio-économique marqué par des inégalités perçues et une défiance envers les pouvoirs publics. Si la conscience écologique des Français est bien ancrée, leur rejet de toute hausse fiscale illustre une fracture entre l’urgence climatique et les réalités sociales. Pour les décideurs publics, l’enjeu est de taille : il s’agit d’imaginer des mécanismes fiscaux à la fois efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et acceptables par la majorité de la population. Evoqué à maintes reprises, cela pourrait passer par une redistribution transparente des revenus issus de la fiscalité écologique, afin d’en limiter les effets régressifs, et par des mesures de soutien ciblées pour les ménages les plus vulnérables.
L’instauration d’une fiscalité environnementale ne pourra être légitimée qu’à travers un dialogue renforcé avec les citoyens, fondé sur la pédagogie, la transparence et une démonstration tangible des bénéfices. Une fiscalité perçue comme équitable, accompagnée d’une réelle transformation des infrastructures et d’investissements massifs dans les énergies renouvelables, serait alors mieux acceptée, permettant d’allier ambition environnementale et cohésion sociale.