Tendances IA et Europe – France déficits
La Silicon Valley et l’Union européenne : pas les meilleures amies du monde
La Commission a également contraint Alphabet à déconnecter Google Maps de Chrome, rendant la localisation plus difficile. Une solution alternative aurait pu consister à offrir le choix entre plusieurs applications de géolocalisation. Par ailleurs, elle a introduit un ensemble de lois, dont :
- le Digital Services Act (DSA), pour réguler les médias sociaux ;
- le Digital Markets Act (DMA), pour prévenir les pratiques anticoncurrentielles des entreprises technologiques ;
- l’Artificial Intelligence Act, destiné à encadrer l’usage de l’intelligence artificielle.
Les contrevenants à ces règlements s’exposent à des sanctions importantes, notamment des amendes pouvant atteindre 10 % ou plus du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise pour les violations du DMA.
La Commission a aussi engagé plusieurs procédures judiciaires contre Google, Apple ou Amazon pour atteinte au droit de la concurrence. Sous la précédente mandature, elle avait bloqué certains rachats par les GAFAM, comme la tentative d’Amazon d’acquérir iRobot, fabricant d’aspirateurs robotisés. Les institutions européennes estiment que les géants technologiques américains compliquent l’émergence des startups européennes. De leur côté, les entreprises américaines dénoncent des mesures protectionnistes et accusent l’Europe de jalousie envers leurs succès.
Vers une continuité avec la nouvelle Commission européenne ?
La nouvelle Commission européenne semble vouloir prolonger l’action de la précédente. Henna Virkkunen, commissaire finlandaise, a été nommée responsable des technologies. Son équipe s’attend à une certaine continuité, même si l’accent pourrait se déplacer de la rédaction de nouvelles directives vers une application rigoureuse des textes existants.
Un contexte économique et international en mutation
Le contexte économique et international pourrait toutefois infléchir la politique de la Commission dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. La faiblesse de la croissance européenne, mise en lumière par le rapport de Mario Draghi, s’explique en partie par le retard accumulé en matière de haute technologie. Pour combler ce retard, l’ancien président de la Banque centrale européenne recommande de réduire les formalités administratives et de faciliter l’accès des startups européennes à l’infrastructure cloud.
La réélection de Donald Trump pourrait également limiter la marge de manœuvre de la Commission. Sous Joe Biden, les autorités américaines partageaient la méfiance européenne envers les géants de la Silicon Valley, favorisant une coopération transatlantique accrue. En revanche, Donald Trump, conseillé par Elon Musk, souhaite libéraliser le secteur technologique. Dans d’éventuelles négociations commerciales sur les droits de douane, le président américain pourrait exiger que l’Europe allège ses sanctions contre les GAFAM.
En octobre, Tim Cook, PDG d’Apple, aurait contacté Donald Trump pour dénoncer les amendes imposées par l’Union européenne. Trump aurait répondu qu’il ne laisserait pas l’Europe « profiter de nos entreprises ». Durant son premier mandat, il avait déjà taxé des produits français de luxe en réponse à une proposition de taxe européenne sur les services numériques, avant qu’une trêve ne soit conclue. Une situation similaire pourrait se reproduire, d’autant que plusieurs procédures concernent désormais X (anciennement Twitter), le réseau social d’Elon Musk.
X serait accusé de ne pas respecter certaines règles du DSA, notamment en ce qui concerne l’accès des chercheurs aux données. Une décision attendue dans l’année pourrait aboutir à une amende représentant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise. En septembre, un futur vice-président américain aurait suggéré de réduire le financement de l’OTAN pour répondre aux actions européennes visant X et d’autres entreprises de haute technologie.
Entre protectionnisme et sursis
La Silicon Valley espère obtenir un répit de la part de Bruxelles, mais reste consciente que la tentation du protectionnisme est forte, tant en Europe qu’aux États-Unis. Les GAFAM redoutent que les institutions européennes multiplient les normes et les contraintes, freinant ainsi leur expansion.
Quand il ne fait pas bon être Français !
Dans les années 2010, lors de leurs réunions, les ministres des Finances européens plaisantaient en disant qu’ils n’étaient pas grecs. Aujourd’hui, ils disent qu’ils ne sont pas français. La France est désormais perçue comme un pays surendetté et mal géré.
Le 2 décembre dernier, le rendement des obligations grecques est tombé en-dessous de celui des obligations françaises. Le rendement des obligations françaises est aujourd’hui supérieur de 0,8 point de pourcentage à celui des obligations allemandes, la référence de la zone euro. Il s’agit du plus grand écart depuis le quasi-effondrement de l’euro en 2012. La France subit les conséquences de la dérive de son déficit public, qui devrait dépasser 6 % du PIB en 2024. Le FMI n’anticipe pas d’amélioration notable de la situation budgétaire française avant la fin de la décennie. La dette publique, estimée à 115 % du PIB en 2024, serait de 17 points de pourcentage supérieure à son niveau de 2018 et pourrait dépasser 124 % d’ici 2029. Les paiements d’intérêts sur la dette représenteraient 2,9 % du PIB en 2030, contre 1,9 % en 2024, à condition que la croissance reste au minimum stable. Or, Goldman Sachs a récemment révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour la France, à seulement 0,7 % en 2024. Si cette projection se confirme, les paiements d’intérêts augmenteraient encore, aggravant davantage la dette publique.
Des dépenses publiques sans retour à l’équilibre
La France n’a pas été le seul pays à augmenter ses dépenses publiques face aux crises récentes, mais elle se distingue par son incapacité à revenir à une situation budgétaire comparable à celle d’avant 2020. Entre 2020 et 2022, les gouvernements ont dépensé davantage pour soutenir leur économie et leur population que durant la crise financière de 2007-2009, redoutant que l’épidémie de Covid et la guerre en Ukraine ne provoquent un choc économique majeur. Cette réaction a parfois été excessive, avec une multiplication des plans de relance. La montée des partis populistes a également favorisé le recours accru aux dépenses publiques, rendant politiquement difficile l’adoption de plans d’assainissement budgétaire. En témoigne l’incapacité de la France à faire adopter un budget pour 2025. Le plan français de restauration des comptes publics, porté par Michel Barnier, se voulait ambitieux mais limité. Il prévoyait une réduction du déficit public de 0,5 point de PIB, ce qui aurait été un exploit en période de faible croissance, tout en évitant une véritable réduction des dépenses. L’objectif principal était une simple décélération des dépenses, l’effort reposant surtout sur les contribuables. Cependant, même les rares économies prévues ont suscité une forte opposition. Les retraités, les agriculteurs, les collectivités locales et le secteur judiciaire ont obtenu des concessions des pouvoirs publics, rendant l’effort budgétaire difficilement tenable. La chute du gouvernement de Michel Barnier et le report de l’adoption du budget risquent d’aggraver le déficit public. Les pensions de retraite seront revalorisées de 2,2 % conformément à la législation, engendrant un surcoût d’environ 6 milliards d’euros pour les régimes de base. Parallèlement, les recettes de l’impôt sur le revenu devraient augmenter en raison de la non-indexation du barème.
Une croissance fragilisée
La croissance économique pourrait s’effriter dans les mois à venir, pénalisée par un climat d’attentisme et par les difficultés économiques de l’Allemagne. Les crises atteignent généralement la France avec un décalage par rapport aux autres pays européens, en raison du poids des dépenses publiques, qui amortissent temporairement les chocs. Cependant, ce même poids ralentit le retour à une croissance durable, plaçant la France en décalage par rapport à ses voisins.
Pas de crise financière imminente, mais des conditions strictes
Malgré ses problèmes politiques et économiques, la France ne semble pas menacée par une crise financière immédiate. Les banques françaises restent solides et la Banque centrale européenne (BCE) a réaffirmé son soutien à la dette des pays membres. Toutefois, pour bénéficier d’un éventuel rachat d’obligations par la BCE en cas d’élargissement des écarts de taux, la France devra démontrer des efforts réels en matière de maîtrise des déficits publics.