Tendances : Pologne – Vietnam – Corse
Pologne : l’influence en jeu
Trahie à plusieurs reprises par les grands États européens, deux fois rayée de la carte, absorbée par ses voisins, la Pologne connaît le caractère tragique de l’histoire. Après la Seconde Guerre mondiale, réduite au rang de satellite soviétique, elle a enduré des décennies d’oppression. Avec courage, à chaque épreuve, la population polonaise a résisté. Aujourd’hui, la Pologne s’est métamorphosée en une puissance militaire et économique européenne. Son armée est plus imposante que celles du Royaume-Uni, de la France ou de l’Allemagne, et son niveau de vie — corrigé des différences de pouvoir d’achat — est sur le point de dépasser celui du Japon. La Pologne est devenue l’une des grandes puissances de l’Union européenne, même si son influence demeure inférieure à son poids réel. Les divisions politiques expliquent ce décalage. Une fracture subsiste entre une partie de la population conservatrice, anti-européenne, nationaliste, et une autre, plus ouverte, plus libérale et favorable à la construction européenne.
La Pologne est l’un des États qui a su le mieux tirer profit de son adhésion à l’Union européenne en 2004. Depuis 1995, le revenu par habitant a été multiplié par plus de trois. Lors des vingt dernières années, le pays n’a connu qu’un seul épisode de récession — et encore, de courte durée — au plus fort de la pandémie de Covid-19. De 2004 à 2024, la croissance annuelle moyenne s’est établie autour de 4 %.
Les fruits de cette expansion sont visibles à travers tout le pays. Varsovie, la capitale, arbore la tour Varso, plus haut gratte-ciel d’Europe hors Russie, entourée de boutiques de luxe, de cafés « tendance », de start-ups et de maisons de mode. Dans les campagnes, longtemps délaissées, des routes modernes, financées essentiellement par des fonds européens, sillonnent un paysage où se multiplient les exploitations agricoles modernisées.
Autrefois contraints d’émigrer, les Polonais sont désormais nombreux à revenir. L’industrie manufacturière est en expansion, portée par la proximité géographique avec l’Allemagne, et affiche une belle résilience, alors que cette dernière, comme nombre d’économies européennes, traverse une période de stagnation. Avec les nouveaux investissements dans les infrastructures et la défense annoncés par le chancelier allemand Friedrich Merz, la Pologne pourrait figurer parmi les premiers bénéficiaires.
Consciente de la menace russe, la Pologne a massivement investi dans sa défense. Elle dispose désormais de la plus grande armée d’Europe après la Russie, l’Ukraine et la Turquie, et de la troisième au sein de l’OTAN. Ses dépenses militaires dépassent 4 % du PIB — bien au-delà du seuil des 2 % fixé par l’Alliance — et pourraient atteindre 5 % l’an prochain.
La Pologne a intégré le club des grandes puissances militaires européennes aux côtés du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne. Compte tenu de sa position géographique et stratégique, elle joue un rôle central dans le rapport de force avec la Russie. Lors de la visite conjointe à Kyiv début mai, Donald Tusk, le Premier ministre polonais, a accompagné ses homologues allemand, britannique et français, venus réaffirmer le soutien de l’Europe à l’Ukraine. La position polonaise contraste fortement avec celle des autres membres du « groupe de Visegrád » : la Hongrie de Viktor Orbán et la Slovaquie de Robert Fico, qui ont pris fait et cause pour Moscou, tandis que la République tchèque pourrait les rejoindre après les élections prévues en octobre.
Les succès actuels de la Pologne ne sont pas uniquement imputables au Premier ministre actuel et à son parti, la Plate-forme civique (Platforma Obywatelska – PO). La précédente majorité, qui a occupé le pouvoir pendant douze ans jusqu’en 2023, y a également largement contribué. Le parti Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość – PiS), dirigé par Jarosław Kaczyński, demeure influent et contrôle encore de nombreux leviers économiques et institutionnels. Il n’a pas modifié sa ligne politique. Ses dirigeants se sont alliés avec des formations d’extrême droite, dont certaines attisent les sentiments anti-ukrainiens, voire antisémites, dans l’espoir de revenir au pouvoir lors des prochaines élections législatives. Entre 2015 et 2023, des atteintes à l’État de droit, notamment dans les domaines de la presse et du droit à l’avortement, avaient été constatées et avaient conduit à des sanctions de la part de l’Union européenne. Face à cette dérive nationaliste et populiste, Donald Tusk incarne une ligne résolument pro-européenne. Ancien président du Conseil européen, il a rétabli les liens de la Pologne avec ses partenaires continentaux dans les domaines de la sécurité, de la diplomatie et de la défense.
Depuis la fin de l’URSS et du Pacte de Varsovie, la Pologne a toujours privilégié l’alliance avec les États-Unis. Échaudée par les trahisons du passé, elle s’est rangée derrière le parapluie américain, jugé plus fiable que les promesses françaises ou britanniques. Mais depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, le contexte géopolitique a radicalement changé. L’autonomie stratégique de l’Europe n’est plus une option, mais une ardente nécessité. Dans ce cadre, la Pologne pourrait jouer un rôle pivot en matière de sécurité et de soutien à l’Ukraine. Elle s’impose aussi comme un modèle pour les pays d’Europe centrale et orientale.
Longtemps considérée à la périphérie de l’Union européenne, la Pologne s’impose désormais comme l’un de ses centres de gravité face à la Russie. Le pays à l’histoire douloureuse, malgré ses résultats de ces dernières années, demeure fragile à l’image des autres Etats européens.
L’équilibre fragile du Vietnam
Le voyage d’Emmanuel Macron, le 26 mai dernier, symbolise l’importance du Vietnam, pays toujours dirigé par le Parti communiste, mais qui, à l’instar de la Chine, accepte pleinement l’économie capitaliste et le libre-échange. Ce pays accumule les succès économiques, avec une croissance annuelle moyenne de 6 % au cours des quinze dernières années. Selon To Lam, ancien chef redouté de la sécurité intérieure et aujourd’hui secrétaire général du Parti communiste, le Vietnam ne doit pas s’arrêter en chemin. Face à la multiplication des menaces, le pays doit engager sans tarder des réformes profondes. Il prône non pas une révolution marxiste, mais une « révolution visant à libérer toutes les forces productives ». « Le temps n’attend pas », a-t-il averti peu après sa prise de fonction.
Le chemin parcouru depuis la fin de la guerre du Vietnam, il y a cinquante ans, est impressionnant. À l’époque, le pays était ruiné et en grande partie détruit. Le régime communiste décida alors de supprimer le secteur privé, provoquant des pénuries, des rationnements et la famine. La crise de l’économie soviétique dans les années 1980 réduisit les aides extérieures, aggravant la situation. L’inflation annuelle culmina à 454 %, et la moitié de la population vivait dans la pauvreté. La mort d’un secrétaire général en 1986 permit d’amorcer un tournant. Reprenant l’exemple chinois initié par Deng Xiaoping, le Doi Moi — la rénovation — légalisa l’entreprise privée et introduisit les mécanismes de marché.
En quarante ans, le PIB par habitant a été multiplié par 18, et la pauvreté a reculé de manière spectaculaire. Attirés par une main-d’œuvre bon marché, une stabilité politique, la proximité des chaînes d’approvisionnement asiatiques et un environnement favorable à l’industrie exportatrice, les investisseurs étrangers ont installé de nombreuses usines. L’accord commercial avec les États-Unis, l’adhésion à l’OMC et la stratégie de désengagement partiel de la Chine adoptée par certaines multinationales ont renforcé l’attractivité du pays.
Mais les moteurs de cette croissance rapide commencent à s’essouffler, voire à s’inverser. Le vivier de main-d’œuvre à bas coût diminue et les salaires augmentent. L’administration Trump menace d’imposer des droits de douane de 46 % sur les exportations vietnamiennes. La posture d’équilibriste entre Washington et Pékin devient de plus en plus périlleuse. Les retombées des investissements étrangers sur le tissu économique local restent limitées. Le pays demeure un simple atelier d’assemblage, sans montée en gamme. La dépendance aux exportations reste importante.
Les entreprises étrangères sont au cœur de la réussite vietnamienne. En 2023, les investissements directs étrangers (IDE) ont atteint 19 milliards de dollars. Ces entreprises représentent désormais un cinquième du PIB (contre 6 % en 1995) et 72 % des exportations. Samsung, premier investisseur, emploie 160 000 personnes près de Hanoï. Ces entreprises se contentent d’assembler des pièces venues, en majorité, de Chine ou de Corée du Sud. Le Vietnam ajoute peu de valeur à ses exportations, bien moins que la Malaisie ou la Thaïlande. Sa productivité horaire est 37 % inférieure à la moyenne asiatique des pays à revenu intermédiaire supérieur. Les entreprises locales peinent à s’insérer dans les chaînes de valeur mondiales. Les firmes étrangères opérant au Vietnam affichent le plus faible taux d’approvisionnement local de toute l’Asie du Sud-Est. Aucune des entreprises qui alimentent directement Samsung en composants critiques n’est vietnamienne. Seuls quelques fournisseurs locaux produisent des biens simples comme des emballages ou du plastique.
Le Vietnam a atteint le « point de basculement de Lewis » : le surplus de main-d’œuvre rurale est épuisé. Entre 2014 et 2021, plus d’un million d’emplois agricoles ont été supprimés chaque année. Les salaires progressent par ailleurs rapidement. Les coûts salariaux dans l’industrie manufacturière devraient croître de 48 % d’ici à 2029. Le pays pourrait devenir moins attractif pour les industries de main-d’œuvre, sans pour autant disposer des compétences nécessaires pour se diversifier et monter en gamme. Comme de nombreux pays, le Vietnam est confronté au vieillissement démographique. La population active atteindra un pic autour de 2030. Le pays est également exposé aux risques climatiques. Hanoï et Hô Chi Minh-Ville figurent parmi les villes les plus menacées par les inondations. Le delta du Mékong perd chaque année 500 hectares de terres agricoles. Le plus grand danger reste toutefois les tarifs douaniers américains, dont le coût pourrait atteindre 2,5 points de croissance annuelle à long terme.
Les autorités vietnamiennes entendent favoriser la montée en gamme de l’économie en développant les dépenses de recherche. Le Bureau politique du Parti communiste a validé une exonération fiscale massive pour les dépenses de R&D, ainsi que des incitations pour les partenariats entre entreprises locales et étrangères. L’objectif est de faire passer la part du secteur privé dans le PIB de 50 % à 70 %.
Le Vietnam doit faire face à plusieurs sources de blocages. Le régime juridique est complexe, l’application du droit opaque, et l’État contrôle le crédit via les banques publiques. De nombreux appels d’offres sont biaisés. Les attributions foncières sont douteuses et les prêts de complaisance fréquents. De nombreuses entreprises publiques sont déficitaires et peu compétitives.
Pour réussir, To Lam devra revitaliser le tissu des PME. Dépourvues de soutien politique, elles peinent à obtenir terrains, crédits ou permis. Les banques exigent des garanties en biens immobiliers ou en stocks, rarement en recettes futures. Par ailleurs, la pénurie de talents est criante. L’administration capte les diplômés : plus de 50 % des agents publics ont un diplôme supérieur, contre 15 % dans les filiales étrangères et 5 % dans les entreprises locales. Le système éducatif est perfectible. Le Vietnam ne dispose d’aucune université de rang mondial. Même les écoles d’ingénieurs consacrent jusqu’à un quart de leur programme à l’étude du marxisme-léninisme et de la pensée d’Hô Chi Minh. Il existe peu de passerelles entre universités et industrie.
To Lam a, en quelques mois, engagé une restructuration radicale de l’appareil d’État : cinq ministères supprimés, une strate administrative (celle des 705 districts) abolie, le nombre de provinces réduit de 63 à 34. Cent mille emplois ont été supprimés dans la fonction publique. Il vise une baisse de 30 % des formalités administratives. Parallèlement, il a promis une rémunération au mérite des fonctionnaires compétents. Malgré tout, le secteur numérique, pourtant prioritaire, reste sous tutelle publique. Les coupures d’électricité demeurent fréquentes. To Lam semble, pour l’instant, ne pas rencontrer d’opposition au sein du Parti communiste. En cas de contreperformances économiques, la donne pourrait changer. La conférence du Parti, prévue en janvier 2026, où To Lam doit solliciter la prolongation de son mandat, pourrait offrir une fenêtre de tir à ses adversaires.
La Corse ou le tourisme paradoxal
Depuis les années 1960, le débat fait rage sans jamais déboucher sur des conclusions définitives. Durant les Trente Glorieuses, les autorités, afin de favoriser une croissance rapide de l’île, avaient privilégié un tourisme de masse, avec la multiplication des campings et des villages de vacances destinés à la classe moyenne. Quelques grands hôtels avaient néanmoins été créés à Porticcio, Porto-Vecchio ou Calvi, notamment à l’initiative de Maurice Lauré, à qui le gouvernement avait confié une mission de développement agricole et touristique de l’île. L’objectif était alors de rattraper le retard économique et de profiter de l’émergence d’une large classe moyenne. 60 ans plus tard, Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du Tourisme a lors de son déplacement en Corse les lundi 26 et mardi 27 mai deniers pu constater que le secteur était confronté à une crise de croissance en lien avec l’essor des locations saisonnières en ligne, l’augmentation du coût des transports et le risques de surfréquentation en période estivale. Les antiennes de l’allongement de la saison touristique et de la montée en gamme demeurent d’actualité.
La tradition contrariée du tourisme élitiste
Le choix du tourisme de masse dans les années 1960 rompait avec la tradition passée d’un tourisme élitiste qui avait prévalu jusqu’au début du XXe siècle. La Corse comptait alors une dizaine de palaces qui accueillaient de nombreux étrangers, tout particulièrement des Britanniques, des Russes ou des Allemands. La villégiature hivernale (de novembre à avril) était alors la norme. L’été était perçu comme trop chaud et insalubre.
Ajaccio constituait le cœur du tourisme de luxe au début du XXe siècle, avec quelques établissements emblématiques comme le Grand Hôtel d’Ajaccio et Continental, aujourd’hui siège de la Collectivité de Corse, ainsi que le casino municipal. D’autres lieux de l’île étaient également prisés par les touristes fortunés : Vico, Evisa, Bocognano ou Vizzavona accueillaient des curistes et amateurs d’air pur. Les eaux d’Orezza, de Puzzichellu ou de Guagno-les-Bains attiraient également des visiteurs.
La Corse, lieu de villégiature, séduisait aussi des artistes, écrivains et intellectuels tels que Guy de Maupassant, Prosper Mérimée ou Pierre Loti. À Ajaccio, certains touristes s’installaient pour plusieurs mois et achetaient des hôtels particuliers, donnant naissance au fameux quartier des Étrangers.
À l’époque déjà, la Corse souffrait de la faiblesse de ses infrastructures. Peu de routes étaient carrossables à l’intérieur de l’île, les liaisons ferroviaires étaient rares et lentes. L’État se désintéressait de l’avenir de la Corse, d’autant plus que l’île avait été durement affaiblie par la mort de nombreux jeunes durant la Première Guerre mondiale. Un déclin touristique s’amorça, accentué par la promotion, par les grandes compagnies de transport, de destinations comme Nice, Cannes, Biarritz, Deauville ou Le Touquet.
La massification subie du tourisme
Des années 1945 aux années 1960, la Corse reste à l’écart de la renaissance du tourisme. Mal desservie, avec peu d’établissements hôteliers, l’île n’est pas une destination prisée. C’est au cœur des Trente Glorieuses, avec le Plan Racine corse, que les autorités choisissent de mettre en œuvre un programme planifié de développement touristique, avec la création de zones touristiques intégrées comme la station de Porticcio, en face d’Ajaccio, ou le domaine de Calvi.
Les aéroports d’Ajaccio, de Bastia, de Calvi et de Figari sont progressivement mis aux standards nationaux. Des ports de plaisance sont créés. De quelques milliers de touristes dans les années 1950, la Corse en accueille plus de 500 000 par an à la fin des années 1970. Cet essor alimente une spéculation foncière et des tensions politiques croissantes.
La massification du tourisme s’interrompt dans les années 1980 et 1990, sur fond d’attentats. Le tourisme est alors perçu comme prédateur, source de destruction des sites naturels et de l’identité insulaire. Malgré tout, la Corse continue d’attirer un nombre croissant de visiteurs : plus de 4 millions en 2024, avec une concentration toujours très forte sur la période estivale.
Le tourisme de luxe par défaut
L’idée d’un tourisme plus sélectif refait surface dans les années 2000, avec l’ambition d’une meilleure répartition dans le temps et dans l’espace. Pour autant, les équipements ne suivent pas. L’île ne compte que 20 hôtels cinq étoiles, aucun restaurant n’a décroché les trois étoiles du guide Michelin, et un seul, le Casadelmar, en détient deux. C’est peu pour une région reconnue pour sa gastronomie et ses produits naturels.
Sur le plan culturel, la Corse compte 19 musées, mais seuls cinq sont réellement de stature nationale. C’est insuffisant pour constituer un véritable tourisme culturel. Ajaccio, au-delà de la Maison natale de Napoléon, ne s’est pas dotée d’un musée retraçant l’histoire de l’Empereur. De même, la scène théâtrale et musicale demeure limitée, malgré la qualité des orchestres et des troupes présents sur l’île. Peu d’expositions nationales ou internationales sont présentées, notamment hors saison. Le nombre de galeries d’art reste également réduit.
Le tourisme élitiste l’est donc avant tout par les prix pratiqués pour les transports ou certains services. Les billets d’avion peuvent atteindre des montants très élevés à certaines périodes : plus de 500 euros pour un aller-retour avec Paris. Pour un prix inférieur, on peut voyager en classe affaires vers Lisbonne. Les Baléares, la Grèce ou la Croatie sont bien plus accessibles que la Corse. Il s’agit donc d’un tourisme de luxe par défaut, et donc fragile. Faute de services adaptés à leurs exigences, les touristes à haut pouvoir d’achat peuvent se détourner de l’Île de Beauté, malgré ses atouts indéniables.
La montée d’un modèle intenable
Ces dernières années, le tourisme corse s’est orienté vers un système axé sur les locations saisonnières. Plus de 40 000 logements sont ainsi proposés sur des plateformes en ligne, soit 15 % de l’ensemble du parc. La Corse est la première région de France pour le ratio de locations saisonnières rapporté au nombre total de logements.
Par ailleurs, l’île compte 38 % de résidences secondaires, un record national. En une dizaine d’années, leur nombre a progressé de près de 30 %. Ce développement touristique induit une forte pression, avec une concentration des revenus et peu de création d’emplois durables. Les collectivités doivent faire face à des surcoûts importants liés à ce modèle.
En quête de recettes, les communes ont utilisé la possibilité de majorer jusqu’à 60 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Cette option rend leur possession coûteuse, poussant certains propriétaires à les exploiter commercialement, au détriment des structures touristiques traditionnelles. Cette majoration pourrait créer un effet d’éviction au détriment des propriétaires aux revenus corrects mais non élevés : une sélection par l’argent des non-résidents… Mais les riches sont versatiles… et difficiles.
A la recherche d’un nouveau paradigme
Le changement de modèle touristique est indispensable pour préserver non seulement le territoire mais aussi pour s’adapter au réchauffement climatique et au vieillissement démographique. Le tourisme de bord de plage a sans nul doute vécu avec des touristes plus âgés, plus exigeants et recherchant de la valeur ajoutée. L’étalement de la saison s’impose en raison de l’augmentation des températures l’été. Une véritable plan de disruption touristique devrait être imaginé en mettant l’accent sur les activités culturelles et les infrastructures en privilégiant les transports collectifs. La création de nouveaux établissements hôteliers de luxe en milieu urbain devraient être une priorité. Afin de renouer l’âge d’or du tourisme du début du XXe siècle, un effort sur l’animation des centres villes, toute l’année , serait également indispensable. Ces infrastructures sont indispensables pour développer le tourisme d’affaires qui est un des objectifs de la Présidente de l’agence du tourisme de la Corse, Angèle Bastiani. A juste titre, elle considère que la Corse dispose d’un réel potentiel pour accueillir ce tourisme qui est une source de revenus et qui a offre l’avantage d’allonger la saison. Deauville, le Touquet, Cannes et Nice en sont fait une spécialité. Ajaccio et Bastia ont la capacité sans nul doute de s’immiscer dans ce classement.
Le tourisme corse oscille depuis des décennies entre massification incontrôlée et ambitions élitistes contrariées. Ni véritablement populaire, ni pleinement haut de gamme, l’île semble enfermée dans un entre-deux fragile. Face aux défis écologiques, sociaux, économiques et démographiques, un nouveau modèle semble nécessaire : plus durable, mieux réparti dans le temps et dans l’espace, plus intégré aux réalités insulaires. Cela suppose un investissement fort dans les infrastructures, la culture, les transports et une gouvernance plus cohérente du territoire. La Corse a tous les atouts pour proposer un tourisme d’excellence — mais cela ne pourra se faire sans choix clairs ni sans renoncer à certaines facilités.